lundi 2 juin 2014

Jules Ferry - La liberté et la tradition



Dans un court et intéressant essai, l’historienne Mona Ozouf évoque la vision sociale de Jules Ferry (1832-1893), homme politique haï à son époque, dont la postérité a surtout retenu sa législation scolaire. Sous des dehors poussiéreux, la IIIe République - et son cortège de ministres et présidents du Conseil endimanchés - ne suscite pas toujours la curiosité historique. Un des mérites de l’ouvrage de Mona Ozouf intitulé Jules Ferry, La liberté et la tradition est de faire revivre une époque décisive et méconnue de l’histoire (cette IIIe République !) à travers la vision politique de Jules Ferry, ministre de l’Instruction et président du Conseil à la fin du XIXe siècle. Ozouf évoque les réalisations politiques - souvent novatrices - de Ferry et en esquisse un subtil portrait psychologique. Figure emblématique de l’esprit républicain, Ferry fut longtemps détesté au sein même de son propre camp. Il fut en rivalité avec Clemenceau


Et sa politique coloniale - notamment au Tonkin - fit l’objet de controverses. Sa grande réalisation - et cela se profile clairement dans le livre - est l’obtention de la gratuité et de la laïcité de l’enseignement primaire, entreprise plutôt audacieuse à cette période de l’histoire, marquée par le conflit clérical et la tentation des extrêmes. Dans Jules Ferry, La liberté et la tradition, Ozouf nous dresse donc le portrait d’un homme modéré, apte au compromis, à la fois animé d’un esprit moderne et respectueux des traditions - y compris de celles héritées avant 1789. Tout le livre d’Ozouf est parcouru par cette idée centrale que Ferry veut à tout prix éviter les fractures violentes, celles de 1793, 1848 et 1871.  Son projet politique, notamment par le nouvel enseignement primaire, est guidé par un désir humaniste de cimenter la nation et d’éviter ainsi les clivages idéologiques agitant toute l’histoire de France du XIXe siècle. De cet homme politique, porteur d’une vision politique forte et d’un tempérament modéré,  Ozouf nous avertit dans sa conclusion de ce qui le distingue radicalement de certains de ses collègues d'assemblée.

« A ces adorateurs de 1793 [les radicaux] Ferry devait donc, et quoi qu’il ait fait par ailleurs pour la République, paraître d’un républicanisme douteux. De son côté, il ne cachait pas le mépris que lui inspirait leur politique théâtrale, « politique par les fenêtres », disait-il, faite essentiellement pour la montre » (page 113).

Mona Ozouf
, Jules Ferry - La liberté et la tradition, éditions Gallimard,
 collection « L’esprit de la   cité », 113 pages, 2014

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