A La Folie Théâtre (Paris 11e) l'on peut découvrir
L'Epouvantail, d’après
Anton Tchekhov, dans une mise en scène de
Louis Roméo. C'est un spectacle prenant à l'énergie brûlante, mettant à l'honneur trois pièces courtes du dramaturge russe :
Les Méfaits du tabac (1886),
L'ours (1888)
et La demande en mariage (1889).
D'un registre drôle et léger ces petites comédies offrent l'occasion de revisiter l'oeuvre du célèbre auteur, que l'on identifie plus facilement à travers ses pièces clés, disons « psychologiques » comme
La Mouette, La Cerisaie, Les Trois Soeurs ou
L'Oncle Vania. A y regarder de plus près ces véritables morceaux d'anthologie - le plus souvent méconnus et qualifiés par les puristes de « comiques» - reposent sur un fond tragique dans lequel perce le regard acéré de
Tchekhov sur son époque. Il y traite de thèmes toujours actuels comme l'argent, l'injustice, l'hypocrisie sociale ou l'inégalité des sexes. Loufoque,
La Demande en mariage met en scène un prétendant nerveux (
Lomov) et une jeune fille (
Natalia Stépanovna) de caractère emporté. Tous deux veulent se marier, et passent leur temps à se disputer. Quant à
L'Ours, elle met en exergue deux personnages pas moins explosifs : une veuve au caractère bien trempé,
Madame Popova, ennuyée par
Smirna, un propriétaire venu lui réclamer l'argent que lui devait l'époux décédé. Enfin,
Les Méfaits du tabac, la plus courte de ces « plaisanteries » et sans doute la plus confidentielle décrit le déroulement d'une conférence sur les méfaits du tabac , devenant rapidement un monologue inquiet questionnant les rapports de pouvoir entre l'orateur (
Ivan Ivanovitch Nioukhine) et sa femme. Avec malice
Louis Roméo adapte cet univers tragi-farcesque, insérant ces trois précieux ingrédients dans la grande Cocotte minute théâtrale avec un résultat bluffant. Doués et instinctifs les quatre comédiens de
L'Epouvantail slaloment entre théâtre, cirque et danse, nous faisant partager cet univers mesquin et drôle d'un autre âge (celui de grands propriétaires terriens et de petites gens de la Grande Russie), s'inscrivant résolument dans un registre de tragi-comédie, fidèle en cela à l'esprit farceur et humaniste de
Tchekhov, que l'on retrouve aussi dans ses savoureuses nouvelles comme
Le Gros et le Maigre (1883) ou
La salle n°6 (1892).
Le climat de folie douce du spectacle passe aussi par de jolis costumes, des intermèdes musicaux, des mimiques figées et surtout le mouvement grotesque des corps qui se déplacent en permanence. Tout cela se télescope dans un désordre théâtral méticuleusement mis en scène, s'engouffrant naturellement dans l'univers tchékhovien où l'ordinaire et le caractère risible dans lesquels évoluent les personnages dans des situations imprévues rejoignent l'universel. Passer du coq à l'âne, scruter le détail des choses et la banalité du quotidien pour parler des grands sujets de la vie... C'est sans doute dans cette géniale insignifiance même, encore aujourd'hui, que se goûte toute la saveur et la modernité des textes de
Tchekhov. Comme l'exprime ironiquement
Ivan Ivanovitch Nioukhine dans son monologue conférence :
« A force de bavarder, nous nous sommes légèrement écartés de notre sujet. Poursuivons. Je suis bien persuadé que vous aimeriez mieux écouter une romance, ou une quelconque symphonie, ou un air d’opéra…»
durée : 1 h 15
L'Epouvantail, d’après
Anton TchekhovMise en scène :
Louis RoméoDistribution :
Jade Buchet, Gabriel Mireté, Dante Desmaroux, Louis Romeo
A La Folie Théâtre (salle Grande Folie)
6, rue de la Folie Méricourt
Paris 11e
horaires : les jeudis (19 h 30), les samedis et dimanches (18 h)
jusqu'au 9 novembre 2025
A lire :
Tchekhov à la folie - La demande en mariage/L'ours, deux pièces d'Anton Tchekhov
Nous aurions pu être amis, d'après La salle n°6 d'Anton Tchekhov
La Cerisaie, d'Anton Tchekhov
Platonov mais.... d'après Platonov d'Anton Tchekhov
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