lundi 28 avril 2025

La Chaleur



Au Théâtre de la Manufacture des Abbesses (Paris 18e) l'on peut découvrir La Chaleur dans une adaptation et mise en scène de Muriel Brunier d'après le roman de Victor Jestin. C'est un thriller psychologique intense avec comme toile de fond le désarroi adolescent et la sensualité de l'univers des vacances.La Chaleur nous raconte l'histoire insolite d'un'adolescent (Léonard) qui passe sa dernière journée de vacances dans un camping des Landes. L'action se déroule sur deux nuits et un jour. Sur la plage, il enterre le corps d’Oscar, qu’il a passivement regardé mourir, étranglé par les cordes d’une balançoire avant de faire, le lendemain la rencontre d'une fille (Luce).

© Ludovic Maie
La Chaleur - Théâtre de la Manufacture des Abbesses

La narration de La Chaleur se concentre sur le mystère que représente  Léonard et sur son mal-être d'adolescent renfermé sur lui-même. Rien dans cette histoire sombre ne nous indique la raison pour laquelle l'adolescent a laissé mourir sans réagir Oscar même si l'on discerne au fil de l'histoire que la jalousie a pu jouer un certain rôle. C'est cette part d'ombre, de non sens, se déroulant à la période de brûlure d'un été, qui donne tout son piment à cette histoire étrange et ouverte à toutes les interprétations. Et même s'il ne s'agit pas d'un homicide l'on ne peut s'empêcher de songer face au comportement de Léonard au personnage de Meursault dans le fameux roman L'Etranger d'Albert Camus où l''emblématique anti-héros sortait un revolver et tuait un Arabe sans motif apparent.

© Ludovic Maie
La Chaleur - Théâtre de la Manufacture des Abbesses

A travers le personnage de Léonard le court et premier roman (paru chez Flammarion en 2019) de Victor Jestin interrogeait les fêlures et les souffrances de l'adolescence. Dans une mise en scène sobre et une adaptation qui met en exergue l'espace sensoriel et onirique des évènements Muriel Brunier nous entraîne dans un univers introspectif sensible et déroutant, interrogeant à la fois la violence du monde et sa part terrible de secrets inavouables. S'éloignant des codes du fait divers, la pièce privilégie plutôt l'aspect psychologique des situations dans lesquelles Léo, tel un animal blessé sous sa carapace nous y apparaît englué.

© Ludovic Maie
La Chaleur - Théâtre de la Manufacture des Abbesses

Dans ce rôle d'ado perdu et lunatique Arthur Beaudoire se profile très convaincant. Avec la comédienne Marie Cazor, qui interprète la jeune Luce il forme un duo théâtral singulier dans lequel la communication passe autant par la parole que par la gestuelle ou le positionnement du corps. Quant à Antoine Boizeau sous son déguisement de lapin, il personnifie un personnage mystérieux et multicartes nous rappelant la présence de la société dans ce spectacle, qui distille du début à sa fin un fort climat aussi anxiogène que poétique. Une scénographie suggestive, le jeu des lumières et un poétique dispositif chorégraphique, tout cela contribue au charme mystérieux de cette pièce dont le titre évocateur nous rappelle que cette chaleur s'inscrit comme un personnage à part entière. 


© Ludovic Maie
La Chaleur - Théâtre de la Manufacture des Abbesses

Quant à l'atmosphère et la description de la vie au camping, elle nous est largement exprimée par de nombreuses voix off vantant l'insouciance de la vie estivale et le bienfait de plaisirs furtifs pendant les vacances, mettant en exergue le décalage entre la société du tout plaisir et le positionnement solitaire de Léonard. Au final, l'on recommandera cette pièce insolite à trois personnages, portée par un subtil mélange de climats réalistes et oniriques ainsi que par une mise en abyme puissante de la fragilité de l'adolescence ! 

durée : 1 h 10

La Chaleur
Adaptation et mise en scène : Muriel Brunier
D'après le roman de Victor Jestin
Avec : Arthur Beaudoire, Marie Cazor, Antoine Boizeau

Théâtre de la Manufacture des Abbesses
7, rue Véron
Paris 18e
horaires : les lundi, mardi, mercredi à 21 h ; le dimanche à 20 h

jusqu'au 14 mai 2025

© Ludovic Maie
La Chaleur - Théâtre de la Manufacture des Abbesses

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire