© Dilecta, Photo : Nicolas Brasseur.
A travers cette création inclassable, l'artiste semble scruter à travers une apparente simplicité l'instant unique et poétique de la vie quotidienne. Ayant à la fois quelque chose d'obscur et de puissant ses portraits dégagent par leur climat flottant entre chien et loup le même mystère du sujet représenté qu'en leur temps Derain, Balthus ou Vallotton exploraient. Dans cette peinture la représentation du corps, et surtout son positionnement, exprime une ambiguïté certaine, à la fois onirique et chargée d'érotisme comme dans Eléné dans la baignoire (2021) ou Madeleine et Clément, version 1 (2020). Dans d'autres toiles comme Le Couple (2021) ou Emmanuelle et Shaked (2022) l'artiste semble interroger plutôt le non-dit de la vie conjugale.
Ce dernier tableau représente un couple à proximité de ses affaires personnelles. Leur immobilité expressive ainsi que le positionnement de leurs bras et jambes nous interroge à la fois sur leur proximité réelle et sur leur degré d'intimité. A propos des oeuvres de Herbelin le critique d'art Henri Guette a parlé de peinture liée avec l'invisible. Les cinq textes du livre - quatre essais et un entretien avec l'artiste - nous donnent des clés pour mieux cerner cette oeuvre étonnante - aux frontières du métaphysique - à la fois par sa simplicité et son pouvoir suggestif. C'est le regard même de l'artiste posé sur les êtres et les choses, dans un certain silence, qui donne à toute cette peinture sa saveur.
C'est aussi une création, qui s'inscrit puissamment dans la notion de voyage. L'artiste a grandi dans un petit village au centre d’Israël entre un père français et une mère israélienne, et c’est à Tel Aviv qu’elle a appris la peinture, aux côtés d’artistes russes et ukrainiens arrivés sur place dans les années 1990. De ce territoire, elle semble avoir conservé le goût du désert, du silence et de la culture des bédouins du Néguev, ainsi qu’un lien étroit avec la nature. La peinture de Nathanaëlle Herbelin peut aussi être vue comme une célébration douce de la vie dans toutes ses composantes. Comme l'écrit si bien dans l'ouvrage le philosophe d'origine italienne Emanuele Coccia : « La peinture alors est cet ''éternel sablier de l'existence sans cesse renversé" qui permet à toute la lumière du monde de revenir sans cesse habiter notre existence. »
Ouvrage collectif, Nathanaëlle Herbelin, broché, grand format, éditions Dilecta, textes en bilingue français-anglais, 128 pages, 2023
Textes de Emanuele Coccia, Henry-Claude Cousseau, Loïc Le Gall, Guslagie Malanda, Anaël Pigeat
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