Dans l'ouvrage Ils ont préféré en finir - Le suicide des chefs nazis l'historien Philippe Valode aborde un phénomène relativement méconnu, celui du choix de la mort immédiate et l'étude de ses réactions en chaîne parmi l'élite du IIIe Reich.Au-delà du chiffre officiel avancé du suicide de 200 chef nazis importants, ce serait en fait au total des milliers de responsables nazis de toute appartenance (fonctionnaires, administrateurs territoriaux, médecins, industriels, gradés, gardiens de camp...), qui au lendemain de la mort d'Hitler (le 30 avril 1945) se serait donné la mort. Dans un livre documenté, prenant en compte autant la psychologie des nazis étudiés que le contexte historique du IIIe Reich et ses lendemains immédiats Philippe Valode propose des analyses fines sur ce phénomène peu étudié, envisageant outre bien sûr l'exemple d'Hitler l'étude de cinq caciques nazis dont Rommel, Goebbels, Himmler, Hess et Goering. Historien réputé, auteur entre autres de La Grande Guerre sans les clichés (2013) et De Gaulle, un homme dans L'Histoire (2020), Philippe Valode inscrit aussi le choix du suicide parmi l'élite nazie dans un registre plus large, nous rappelant que durant les dernières heures du régime nazi, de nombreuses villes allemandes ont connu des poussées suicidaires dans lesquelles des mères, des enfants, des familles entières se sont donné la mort. Le cas le plus spectaculaire étant sans doute celui de Demmin où terrorisés par l'avancée soviétique les habitants de la ville de Poméranie choisissent - en s'ôtant la vie par centaines -le modèle du suicide glorifié par Hitler et Goebbels. Comparant dans son avant-propos la vague de suicides qui saisit l'Allemagne au printemps 1945 et celle qui emporte la société japonaise lors des derniers trimestres de la guerre contre les Etats-Unis, l'auteur précise : « Sur l'île de Saipan (Mariannes), certains historiens parlent de 22 000 suicidés civils (d'autres, d'un chiffre inférieur) fuyant l'avancée américaine et se jetant du haut des falaises au mois de juillet 1944. » (page 27). Même si son étude du suicide chez les nazis est centrée principalement sur cinq personnages historiques, le livre nous renseigne clairement sur cette population civile allemande que l'on pourrait dire à la fois « aspirée » entre la peur des représailles soviétiques* sur son territoire et la logique folle et testamentaire du combat nationaliste de Hitler, ne pouvant selon le Führer ne déboucher que sur la vie ou la mort. (Le suicide nazi étant considéré non comme une déviance mais au contraire comme un acte sacrificiel héroïque, rappelant ainsi étrangement la notion de sacrifice des missions Kamikaze dans le Japon agonisant de Hiro-Hito !) Dans un chapitre intitulé Adolf Hitler et Eva Braun Valode décortique les derniers jours du Führer, décrivant un homme vociférant et haineux usé à la fois par la maladie, les drogues et les séquelles de l'attentat du 20 juillet 1944. Evoluant dans son cercle restreint de fidèles, dont Joseph Goebbels, ministre de la Propagande, et Martin Bormann, en charge des affaires administratives, on le voit préparer minutieusement son suicide, suivi quelques jours plus tard de celui des Goebbels dont Valode consacre un autre chapitre. Joseph Goebbels se suicide aux côtés de son épouse Magda qui, avec l'aide d'un médecin, empoisonne ses six enfants au cyanure. Aussi fanatique que son mari elle écrit : « Le monde qui va venir après le Führer et le national-socialisme ne vaut plus la peine qu'on y vive. » Parmi les cinq cas exemplaires de Ils ont préféré en finir l'on notera la spécificité du suicide des hauts dignitaires nazis Goering et de Himmler, le premier se déroulant dans des conditions rocambolesques après sa condamnation à mort au procès de Nuremberg, peu avant sa pendaison ; le second, se déroulant dans des conditions encore obscures dans laquelle après une fuite organisée avec amateurisme, il fut arrêté par les Britanniques et se serait suicidé avec une capsule de cyanure.
* A propos du viol comme arme de guerre, et plus précisément de celui des femmes allemandes, Philippe Valode apporte cette précision dans son livre :
« Des viols massifs commis par toutes les troupes alliées - et pas seulement les Soviétiques (même s'ils sont à l'origine de 85 à 90 % d'entre eux) - se déroulent dans toute l'Allemagne, y compris dans les terres conquises puis occupées par les Américains, les Anglais et les Français » (page 16).
Philippe Valode, Ils ont préféré en finir - Le suicide des chefs nazis, Histoire, broché, grand format, éditions l'Archipel, 264 pages, 2023
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