Dans Le temps qui passe, la France qui change - Echos du monde d'avant, l'auteur Jean-François Sirinelli propose une analyse fine et détaillée des grandes mutations socio-culturelles qui ont secoué la France, depuis la seconde moitié du XXe siècle jusqu'à aujourd'hui. Auteur de nombreux ouvrages sur la France contemporaine [Les Révoutions françaises. 1962-2017, Vie et survie de la Ve République. Essai de physiologie politique], Jean-François Sirinelli s'est attaché dans ce nouveau livre à décrire et disséquer tout ce qui a marqué la vie quotidienne des Français au fil des sept dernières décennies. Programme ambitieux que cet essai brillant concrétise, nous décrivant ce jeu étonnant de transformations sociales successives englobant aussi bien l'environnement culturel, le politique et les médias que le monde rural, la technologie ou les loisirs. Comptant près de 300 pages, le livre constitue une mine d'informations privilégiant des angles plaisants et souvent peu abordés comme la perception mémorielle de Mai 68, la transformation sociale du cinéma français dans les années 70 ou la révolution du transistor - à destination des jeunes - dans les années 60. Par de courts chapitres et des exemples variés l'auteur tente de nous expliquer pourquoi certains évènements laissent une puissante empreinte alors que d'autres ultra médiatisés à l'époque sont aujourd'hui oubliés. Le lecteur est invité à réfléchir sur l'impact de l'image et des apparences dans cette promenade de mémoire, traversée par le triomphe de l'image et du son, de la radio, de la télévision puis de l'Internet. Sans difficultés certaines de ces images ont traversé les décennies comme celle de l'assassinat de Kennedy ou celle du film La Grande Vadrouille, dont rien d'ailleurs ne prédisait l'immense succès hexagonal. D'autre images ont occupé puissamment le champ philosophique et politique. Le cas de Mai 68 se profile là emblématique. Sirinelli, qui lui consacre un chapitre, sans atténuer la portée du mouvement en souligne néanmoins la récupération médiatique, rappelant au passage la stylisation langagière propre à l'époque : « Plus que de révolution, et tout autant que de rêve-évolution, c'est donc plutôt d'irrésolution qu'il s'est agi, comme on dit irrésolution : un temps suspendu, une société sans entraves, des rapports de soi à l'autre décrétés sans contrainte, mais le tout sans véritable aspiration politique, hormis chez certains protagonistes en pointe dans le combat et aux idéologies bien trempées. Cette fluidité des convictions facilita, en fait, la circulation des mots (page 119) ». Dans Le temps qui passe, la France qui change - Echos du monde d'avant, Sirinelli s'intéresse autant aux phénomènes qu'à leur perception, recense les signaux même les plus anecdotiques comme la querelle Antoine-Johnny, les postures de Michel Polnareff, le succès d'Emmanuelle ou encore analyse le climat social qui permet de mieux comprendre des films aussi apparemment anodins que La Gifle, A nous les petites Anglaises ! ou La Boum. De Jagger à Coluche, en passant par Johnny, Sartre, Cabu ou Matzneff Jean-François Sirinelli, puisant dans la mémoire collective, nous propose un voyage dans l'Hexagone aussi étonnant qu'instructif.
Jean-François Sirinelli, Le temps qui passe, la France qui change - Echos du monde d'avant, broché, éditions Odile Jacob, collection Histoire, 336 pages, 2023
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