L’art clandestin – Anonymat et invisibilité, du graffiti aux arts numériques est un ouvrage inédit par son sujet et son traitement. Dans cet intéressant livre les journalistes Emmanuelle Dreyfus et Stéphanie Lemoine nous proposent à partir d'entretiens et d'études de cas une réflexion exhaustive et une analyse fine de la démarche même des créateurs sous pseudonyme. Certes, le phénomène n'est pas nouveau et ne concerne pas exclusivement le domaine artistique. Ainsi, dans la littérature ou la pop music quelques inconnus célèbres ont fait leur trou, maniant subtilement marketing et sens de la mise en scène. D'ailleurs cette invisibilité, aussi troublante que relative, est vécue différemment selon chaque artiste.
L'ouvrage d'Emmanuelle Dreyfus et Stéphanie Lemoine nous donne un éclairage intéressant sur cet art clandestin, devenu au fil des décennies un véritable phénomène de société. Enrichi d'une iconographie abondante et de nombreux témoignages d'artistes, le livre L'art clandestin - Anonymat et invisibilité, du graffiti aux arts numériques nous propose un regard inédit sur un phénomène où sans doute plus qu'ailleurs la démarche artistique se conjugue avec le social et la politique. Ce phénomène de l'anonymat et de l'invisibilité peut aussi être perçu comme une réaction défensive face aux exigences toujours plus simplistes et abrutissantes (!) de starisation rapide en lien avec les réseaux sociaux ou les nouveaux ou traditionnels médias complaisants.
Source site www.guerrillagirls.com
En tout cas, cette vaste enquête journalistique nous dresse un panorama élargi de certaines tendances actuelles - artistes urbains, street artistes, peintres, graffeurs, artivistes, hacktivistes - et permet de mieux cerner les motivations de ces artistes qui par choix ont privilégié l'anonymat. Un choix pleinement assumé comme celui par exemple de la peintre Maya Hayuk, qui confie dans le livre ceci : «L'anonymat de l'artiste est essentiel en ce sens que personne ne sait qui l'a fait, ni son sexe, sa race ou son orientation. Les gens apprécient ce qu'il est sans avoir à connaître le visage de l'artiste. Je peins encore anonymement occasionnellement et c'est très libérateur. »
Un goût de l'anonymat, qui prend parfois toute son ampleur comme chez la Française Kashink, qui a fait du masque son sujet de prédilection artistique. Au final, à travers ce livre se dessine encore plus nettement les pratiques diverses, tantôt radicales, tantôt ambivalentes de ces artistes diversifiés. En outre, le livre permet de mieux cerner les motivations de tous ceux qui par goût artistique ont choisi pour exprimer leur pensée la voie du masque, du camouflage, de l'anonymat ou même de l'imposture.
* légendes et visuels de l'ouvrage L'art clandestin - Anonymat et invisibilité, du graffiti aux arts numériques
Emmanuelle Dreyfus, Stéphanie Lemoine, L'art clandestin - Anonymat et invisibilité, du graffiti aux arts numériques, broché, grand format, éditions Alternatives, collection « Arts urbains », 237 pages, 2022
Hiding in the city Screens in Rest, 2017,
© Liu Bolin, courtesy Liu Bolin/Galerie Paris-Being
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