lundi 24 janvier 2022

La télévision selon Alfred Hitchcock


Dans La télévision selon Alfred Hitchcock Gilles Delavaud nous dévoile tout un pan ignoré  de la production du génial réalisateur britannique. L'auteur nous montre à travers les vingt téléfilms réalisés par  Alfred Hitchcock et les quelque 370 épisodes qu'il a produits comment le réalisateur de Vertigo et de L'Inconnu du Nord-Express a  puissamment imprimé son style original dans le média n°1 de l'époque. Par ailleurs, l'ouvrage nous dévoile, même si certains thèmes se retrouvent souvent dans ses grands classiques du cinéma, la spécificité  de la période télévisuelle d'Hitchcock, qui s'étale de 1955 à 1965. Enrichi de nombreuses photos,  le livre documenté (près de 300 pages) de Gilles Delavaud nous montre aussi comment  Hitchcock est parvenu à créer un art que l'on peut qualifier de  « télévisuel ». 

« Voudriez-vous tous, s'il vous plaït, examiner le dessus de vos téléviseurs  »
Prologue de « Decoy »

L'auteur nous rappelle  dans  La télévision selon Alfred Hitchcock que  « il n' y avait pas pour lui de différence essentielle entre la réalisation d'un film pour le cinéma et la réalisation d'un téléfilm ». A travers ces séries télévisuelles s'exprime la passion du réalisateur pour la tranche de vie, dans des scénarios délicieusement alambiqués où des personnages ordinaires se débattent dans des situations incongrues toujours traitées  avec empathie ou ironie. Davantage : dans ces séries hebdomadaires  Hitchcock avec son flegme légendaire se met en scène, propulsé comme un véritable personnage récurrent, installant au début et en fin de chaque épisode un climat propice à aiguiser la curiosité du spectateur. 

« ... Vous appelez "mieux faire" cette dernière accusation ?
Apparaître à la télévision ! »
Prologue de « Number Twenty-Two »

Dans une langue à la fois simple et érudite  Delavaud décortique l'esthétique et la vision sociologique et humaine propre à la production télévisuelle d'Hitchcock. Il nous rappelle aussi l'incroyable essor de la télé hollywoodienne des années 50, du en grande partie à l'intérêt financier des grands studios qui fourniront la plupart des programmes de soirée avant la fin de la décennie.  A propos de cette évolution l'auteur note : « A partir de 1955, l'engagement des studios hollywoodiens dans la production des programmes de télévision ne va cesser de croître. A la fin de l'année 1957, on compte à Hollywood, en production ou en cours de diffusion, plus de cent séries télévisées  » (page 29). Le livre nous explique aussi comment avec son style inimitable et pince-sans-rire (!) Hitchcock s'empare, commente et détourne ces codes télévisuels, instaurant avec le spectateur un nouveau rapport de complicité. 

« Le temps est très important à la télévision...  »
Prologue de « You Got to Have Luck »

Ainsi,  dans l'épisode de « The Derlicts  », il explique qu'« un  programme de télévision est construit de la même façon qu'un dîner », l'histoire constituant  « le plat principal ». En outre, il se moque systématiquement  de la publicité qui encombre ses épisodes. Dans l'épilogue de « The Crystal Trench», l'histoire d'une femme qui vit pendant quarante ans dans le souvenir de son mari enseveli dans un glacier, Hitchcock introduit ainsi la dernière publicité :  « Nous voici arrivés à l'une de ces crevasses traîtresses qui criblent le glacier de la télévision  ». Puis il ajoute avec sa bonhommie légendaire : « La semaine prochaine je reviendrai avec les morceaux d'une autre histoire reliés entre eux par des publicités  ».
 
Gilles Delavaud, La télévision selon Alfred Hitchcock, Presses Universitaires Rennes, collection  « PUR-Cinéma », 288 pages, 2021 









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