Yves Thos a débuté à l'âge de dix-neuf ans dans le métier d'affichiste de cinéma pour ne plus jamais le quitter. Il a peint ses premières affiches pour la firme « Pathé-Cinéma » et a été immédiatement reconnu et repéré par les plus grandes compagnies cinématographiques. Dans Histoire d’une passion : Yves Thos, affichiste de cinéma les auteurs proposent une intéressante approche iconographique, constituée de cinquante-sept affiches signées Yves Thos. Rapidement décrites et analysées, elles familiarisent le lecteur avec les grandes thématiques des films dont on lui confiait l'illustration, les choix esthétiques dominants qui étaient les siens, ainsi que les trucs de métier d'un créateur que les commanditaires obligeaient à travailler presque toujours dans l'urgence.
Parmi les plus célèbres affiches on notera La Dolce Vita de Federico Felini ou celle, teintée d'érotisme de La femme et le Pantin (1959) de Julien Duvivier. Yves Thos pratiqua sur plusieurs décennies l'accroche visuelle avec son trait énergique, révélant alors une Brigitte Bardot aguicheuse ou les héros survitaminés du bon vieux cinéma familial des 50/60/70 comme Cartouche, Don Camillo, Monseigneur, Le Capitan ou Goldfinger. On ressent l'importance des détails secondaires chez Yves Thos, ce qui donne souvent un caractère pictural à ses affiches. L'on mentionnera l'illustration originale, un peu à la manière d'un rébus, faite pour Le Confident de ces dames (1959) de Jean Boyer ou encore la désinvolture joyeuse et le clin-d'oeil historique à Napoléon pour celle de Madame Sans Gêne (1961) de Christian-Jacque.
Quant au viril coup de poing hyperéaliste que l'on remarque dans La valse du gorille (1959) de Bernard Borderie, il a le même amusant aspect boomerang et définitif que le pouce crânement affiché d'Eddie Constantine dans l'affiche de Comment qu'elle est ? (1960) de Bernard Borderie. Cette dernière affiche, à la tonalité humoristique, joue sur les clichés du genre à la mode durant les années 50. Le titre en lettres jaunes sur fond noir affilie implicitement le film aux romans de la célèbre Série noire.
Les auteurs Guillaume Boulangé et Christian Rolot notent d'ailleurs dans leur livre la profonde affinité existant chez l'artiste entre sa peinture et son travail d'illustration dans ce passage du livre :
D'ailleurs, lorsque sonna l'heure de la retraite, cette passion qui l'habitait si fort ne cessa pas pour autant de l'animer : totalement libre désormais de peindre ce qu'il choisissait, sans contrainte et selon son coeur, ce ne fut pas, comme tant d'autres, vers la peinture d'artiste, ou bien vers la sculpture qu'il se tourna, mais au contraire vers ce qu'il avait toujours fait : des portraits et des visages d'acteurs, brossés en un jour ou deux, voire même en quelques heures, à la manière des affiches de film qu'il réalisait autrefois dans la fièvre des commandes à honorer (page 75).
Outre l'affiche de cinéma, Yves Thos s'est exprimé dans d'autres domaines comme les couvertures de magazines, les jaquettes de livres et les campagnes publicitaires. (En 1965, au journal Pilote, il fut le concepteur de la couverture des albums de Bob Morane, Barbe Rouge et des Aventures de Tanguy et Laverdure.) Peu avant sa disparition, à propos de l'univers des affiches pour la publicité de marque, Yves Thos confiait malicieusement aux auteurs du livre :
Les affichistes de cinéma avaient dans la profession une cote inférieure à celle des affichistes commerciaux. Quand on pouvait faire les deux, c'était un avantage. Cassandre, Carlu, Villemot ou Savignac pour ne citer qu'eux étaient infiniment plus respectés que nous et leurs tarifs n'étaient pas du tout les mêmes (page 50).
Guillaume Boulangé et Christian Rolot, Histoire d’une passion : Yves Thos, affichiste de cinéma, éditions Deuxième époque, 124 pages, 2020
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