lundi 3 septembre 2018

Le potentiel érotique de ma femme



Au Théâtre 13 Sophie Accard met en scène Le potentiel érotique de ma femme de David Foenkinos. Quoique le travail sur le jeu des comédiens se profile ambitieux, ce spectacle aux velléités humoristiques se révèle décevant.


Adaptation d'un roman de l'auteur de La délicatesse, l’histoire nous invite à découvrir le cheminement psychologique et les pérégrinations sentimentales du personnage principal (Hector). C'est un antihéros dont la vie fade est minée par une névrose : le besoin de collectionner tous types d’objets (badges, thermomètres, timbres et bouchons). A la suite de la rencontre de sa femme (Brigitte) ce jeune homme naïf et un peu niais, évoluant au sein d’une famille passablement étriquée, semble définitivement guéri de ses manies. Mais au cours de la pièce le spectateur va découvrir qu’Hector, n’ayant en rien renoncé à ses obsessions, a une nouvelle passion honteuse et érotique : celle d'observer secrètement les mollets de sa femme lorsqu’elle astique les carreaux des fenêtres de leur appartement. L’histoire du Potentiel érotique de ma femme a inspiré Sophie Accard et Léonard Prain. Minutieusement, ils ont adapté le texte et créé des dialogues, rares dans le roman. D'emblée, le spectacle frise de façon débonnaire la comédie surréaliste. On en a tous les ingrédients : une histoire minimaliste, le sentiment de l’absurdité (si cher à Ionesco et Beckett), une famille doctement givrée, des allusions futées à la frustration sociale et à la misère sexuelle des hommes (le personnage d’Hector)…

© Fabienne Rappeneau
Le potentiel érotique de ma femme - Théâtre 13

En soi, ce « minimalisme scénaristique » est tout sauf inintéressant. Des personnalités artistiques et littéraires aussi diversifiées que Milan Kundera, Pierre Desproges, Salvador Dali, Luis Bunuel, Roland Dubillard ou Marcel Aymé ont exploré chacun avec truculence la dimension burlesque et infinitésimale de la bizarrerie humaine. Davantage, des écrivains illustres (Philippe Roth dans Portnoy et son complexe) ou des cinéastes anticonformistes (Woody Allen) se sont attachés entre tendresse, humour et cruauté à décrire l'errance sexuelle d'hommes écartelés entre désir et frustration. Le premier reproche que l'on pourrait faire de cette adaptation du roman de Foenkinos est en fait sa grande mièvrerie. Les tics de collectionnisme aigu d’Hector et surtout sa fascination pour les mollets de sa femme peuvent prêter à sourire une ou deux fois. Mais très vite le système humoristique mis en place avec cette petite métaphore sexuelle à deux balles s’essouffle, épuisant ses potentialités divertissantes. Ensuite, les personnages se profilent trop caricaturaux et guindés. Ils semblent tout droit sortir d’un Labiche ou d’un Feydeau.  Trop stéréotypés, voire simplissimes ils ne convainc pas vraiment : la mère hystérique au moindre compliment sur sa soupe ; le père rigide et martial, affichant crânement sa belle moustache ; le beau-frère (Gérard) d'Hector, doucement mythomane et fan de vélo sans oublier le docteur poussif et d’autres personnages furtifs (le postier, le livreur, le présentateur…).

© Fabienne Rappeneau
Le potentiel érotique de ma femme - Théâtre 13

Certes le travail théâtral  nous propose un jeu pétillant de comédiens donnant à la pièce une impulsion alerte. Sorte de M. Loyal très brechtien, le narrateur semble vouloir signifier à nous spectateurs tout le côté risible de cette farce intemporelle aux relents freudiens. Hélas, malgré une scénographie attrayante et le ton naturellement jubilatoire des interprètes, il n’y parviendra guère. Scénettes répétitives,  poésie sans charme et dialogues nunuches plombent définitivement le spectacle. Comédie gentillette et consensuelle, tout à fait dans l’esprit du temps, Le potentiel érotique de ma femme dilue astucieusement zeste de social et esbroufe boulevardière. Ce n'est pas franchement mauvais, mais c'est péniblement "trop prévisible". A la sortie du spectacle, une dame - visiblement enthousiaste - confiait  à sa voisine : « Ah t’as vu, on s’ennuie pas une seconde…! Comme quoi, on ne doit jamais se fier qu'au seul avis du critique....

durée : 1 h 20 (sans entracte - conseillé à partir de 12 ans)

Le potentiel érotique de ma femme
Texte : David Foenkinos
Mise en scène : Sophie Accard

Avec Sophie Accard (Brigitte), Léonard Boissier (Hector), Jacques Dupont (Marcel, le père, le suédois, le voisin, le collègue), Benjamin Thomas (Gérard, le présentateur, Ernest, le docteur, le collectionneur anonyme, le postier, le livreur), Anaïs Merienne (Laurence, la mère, Gertrude Muller, Géraldine, la concierge) et Léonard Prain (le Narrateur)

Théâtre 13 / Jardin
103A Boulevard Auguste Blanchi
Paris 13e

jusqu'au 7 octobre 2018



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