lundi 14 décembre 2015

Le roi et l’architecte - Louis XIV, le Bernin et la fabrique de la gloire


Essai historique de Laurent Dandrieu [La Compagnie des anges. Petite vie de Fra Angelico, 2014] Le roi et l’architecte évoque l’histoire méconnue du séjour parisien - en 1665 - du célèbre architecte et sculpteur italien le Bernin (1598-1680), marquée par les cabales, des jalousies professionnelles et le choc culturel de querelles esthétiques.

Au XVIIe siècle, le jeune Louis XIV invita à Paris le Bernin pour rénover et transformer le Louvre. Un peu lointain, ce fait historique, qui peut sembler anodin, ressuscite sous la plume de Laurent Dandrieu à travers une passionnante enquête aux maintes péripéties, qui se lit comme un récit. L’auteur a puisé notamment dans les sources du Journal de Paul Fréart de Chantelou. Ce dernier fut désigné par le roi de France pour servir de guide au Bernin lors de son bref séjour parisien (4 mois et demi) et laissa une éloquente correspondance sur la vie de cour au début du règne de Louis XIV. Egalement, le Journal relatait les rapports compliqués du Bernin avec ses interlocuteurs privilégiés (Colbert et Louis XIV). Subtilement, dans un essai à la forme élégante et au ton plaisant, l’auteur évoque à travers des anecdotes et de brefs portraits au couteau l’histoire du bref et tumultueux séjour parisien du Bernin, lequel devait se solder par l’abandon final du projet de rénovation architecturale du Louvre.

Projet pour le palais du Louvre, par le Bernin 

Premier projet pour le palais du Louvre, élévation de la façade principale.
 Encre brune, lavis brun et plume (XVIIe s.) du Bernin. 
(Musée du Louvre, Paris.) Ph. Coll. Archives Larousse

Le roi et l’architecte analyse les diverses raisons de cet échec : l’hostilité de Colbert à l'égard du projet, la jalousie d’architectes français ou encore l’antipathie de Charles Perrault (le célèbre auteur des Contes) pour le sculpteur italien, par ailleurs protégé des papes depuis des décennies. Egalement, Dandrieu rappelle le caractère excessif et imprudent d’un Bernin déjà vieux et peu enclin aux courbettes de cour, sésame pourtant indispensable pour plaire dans la France louis-quatorzième où le talent - même exceptionnel - du maître du baroque monumental ne suffisait certainement pas pour percer. Sans doute, au-delà des cabales dont le Bernin avait fait l’objet, d’autres sources peuvent expliquer l’abandon par le roi du projet architectural du Bernin comme sa réticence à donner une couleur trop italianisante au vieux palais des Valois. Pour l’auteur, ce projet « va à l’encontre du désir de l’art français [de l’époque] de trouver une voix propre », rappelant dans sa conclusion les lignes sarcastiques de l’historien d’art Richard Wittkower qui écrivait dans Art and architecture in Italy :
 Avec cette décision, Paris fut sauvée du douteux honneur d’avoir en ses murs le plus grand palais romain jamais projeté. Pour splendide qu’ait été le projet du Bernin, cette énorme et austère masse serait restée à jamais comme un produit étranger à l’atmosphère sereine de Paris  (page 192

Laurent Dandrieu, Le roi et l’architecte - Louis XIV, le Bernin et la fabrique de la gloire, Cerf éditions, 197 pages, 2015

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