Film de Paul Vecchiali [Femmes Femmes (1974), Corps à cœur (1979)] inspiré d’une nouvelle de Fédor Dostoïevski (1821-1881), Nuits blanches sur la jetée serpente comme une comédie philosophique avec comme décor la déambulation nocturne d’un homme rêveur et d’une jeune femme indécise.
D’emblée, Nuits blanches sur la jetée propulse le spectateur dans un univers très littéraire et un brin onirique. Comme nous l’indique le titre du long métrage de Vecchiali l’action se déroule dans l’obscurité - métaphysique - de la jetée d’un port. Deux inconnus s’y rencontrent puis décident de se donner rendez-vous chaque nuit pour discourir sur la vie, refaire le monde, chacun interrogeant à travers le regard de l’autre son reflet et ses désirs.
Nuits blanches sur la jetée
L’univers cinématographique de l’auteur de Retour à Mayerling (2011) s’exprime cette fois à travers deux singuliers personnages - celui de Fédor [clin d’œil du cinéaste au célèbre et tourmenté romancier russe] interprété par Pascal Cervo et celui de Natacha, joué par Astrid Adverbe. Réputé depuis les années 60/70 pour son cinéma intimiste postnouvelle vague, Vecchiali navigue vers des rivages encore peu explorés quelque part entre onirisme élégant, vision allégorique et réalisme au clair-obscur. Parfois ses films peuvent rappeler ceux de Bresson ou d’Eustache. Mais Nuits blanches sur la jetée fait sans doute davantage songer à du Rohmer avec ses personnages qui parlent si bien tels des châtelains lettrés du XVIIIe siècle ! En outre, le personnage de Natacha peut rappeler celui de la Delphine du Rayon Vert (1986), interprétée par Marie Rivière.
Nuits blanches sur la jetée
Et comme chez le cinéaste spécialiste des comportements sociaux et affectifs, il est beaucoup question de lettres dans Nuits blanches sur la jetée, comme celle emblématique que Natacha fait écrire à Fédor dans la plus pure tradition du siècle des Lumières. Nuits blanches sur la jetée est un film très statique. Pour l’apprécier pleinement, il faut faire abstraction des codes visuels qui régissent la plupart des films. Ce long métrage repose essentiellement sur le jeu de physionomie et la langue stylée des deux personnages - interprétés avec beaucoup de conviction -, avec comme décor permanent cette nuit plombée et suggestive. Avec Nuits blanches sur la jetée, Paul Vecchiali à 84 ans propose une œuvre originale et atmosphérique, inscrivant habilement le Verbe dans son petit théâtre des sentiments.
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