Film de Larry Clark [Wassup Rockers (2006), Marfa Girl (2012)], The Smell of Us dresse le portrait cruel d’une jeunesse marginalisée perdue entre drogue, prostitution et dérives alcooliques. Cinéaste et photographe underground, Larry Clark est célèbre pour son travail documentaire sur de jeunes paumés des squats américains.
Sans ambiguïté avec une vision quasi-anthropologique, Clark photographie/filme depuis les années 60 des adolescents dans leur nudité, ce qui lui vaut régulièrement des problèmes avec la justice et suscite la polémique au sein de la sphère artistique. Délaissant les quartiers interlopes de New York le réalisateur a choisi pour The Smell of Us le décor architectural huppé du parvis du Trocadéro, haut lieu cosmopolite des amateurs de la planche à roulettes et point de ralliement de ses personnages, une petit bande de skaters d’origine sociale plutôt favorisée.
The Smell of Us
Naviguant entre prostitution, défonce et petits matins blêmes, The Smell of Us jette donc un regard cru sur le quotidien de ces jeunes marginaux du XVIe, par ailleurs grands consommateurs de grandes marques et de produits vidéo dernier cri. Fidèle à la réputation sulfureuse de son metteur en scène, The Smell of Us est un film qui peut heurter les sensibilités. « Fiction inspirée d’histoires réellement vécues » selon Clark, The Smell of Us laisse la plupart du temps sur une impression de banal documentaire télévisuel un peu racoleur, sur fond de jeunesse perdue et de société consumériste cruelle. Cependant, certaines scènes à la forte théâtralité se dégagent comme le saccage par la bande de l’appartement d’un client - l’on songe à Orange mécanique de Kubrick - ou la surréaliste déambulation alcoolique sur canapé de la mère de Math, interprétée par Dominique Frot.
The Smell of Us
En outre, la construction du long métrage - plutôt habile - semble suggérer un incessant clair-obscur : d’un côté le Paris lumineux des quais de Seine et des circonvolutions joyeuses sur l’esplanade du Trocadéro de la bande de skaters ; de l’autre, un Paris plus sombre, d’appartements blafards où de riches bourgeois désœuvrés et fétichistes viennent consommer leur lot de chair fraîche. Outre son côté racoleur The Smell of Us est desservi par une bande musicale trop insistante. Encombré de scènes répétitives, il manque singulièrement d’audace. Filmer quelques regards vagues, de gros plans de corps ou des smartphones colorés reste insuffisant pour s’inscrire dans un univers cinématographique innovant. Sans doute pris à son propre piège, celui d’une formule expérimentale cinématographique déjà usée jusqu’à la moëlle - car nourrie par le voyeurisme, le ringardisme soixante-huitard et le prêt-à-porter idéologique -, Larry Clark avec ce The Smell of Us ne convainc guère.
durée : 1 h 30
The Smell of Us, un film de Larry Clark, France, 2014
Avec Lukas Ionesco (Math), Diane Rouxel (Marie), Théo Cholbi (Pacman), Adrien Binh Doan (Minh), Dominique Frot (mère de Math)
The Smell of Us
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire