lundi 1 décembre 2014

Gertrud

Gertrud

Drame amoureux sur fond de solitude et d’arrivisme social, Gertrud (1906) est une des pièces phares de l’auteur suédois Hjalmar Söderberg (1869-1941). Au Monfort théâtre, Jean-Pierre Baro en propose une subtile mise en scène.
D’emblée, Gertrud nous fait basculer dans l’univers de Söderberg, auteur controversé à son époque proche à la fois des grands naturalistes européens par la dénonciation de la médiocrité et du conformisme social et d’un dramaturge comme Ibsen pour l’investigation intime des personnages. Dans cette pièce où art, désir, politique, amour et conventions sociales se télescopent en permanence transparaît la déception amoureuse d’une femme (Gertrud) confrontée à trois hommes [un avocat (Gustav Kanning), un compositeur (Erland Sansson), un écrivain (Gabriel Lidman)] tous différents mais réunis par une même impérieuse ambition sociale. 


Gertrud

Boostée par un jeu très convaincant de comédiens et une élégante scénographie aux éclairages étudiés, la mise en scène chorale laisse percer par la gestuelle et le positionnement les tourments d’esprit et de corps des personnages de Gertrud. Portée par l’acuité psychologique d’un texte à la résonnance quand même beaucoup plus contemporaine que le suranné Docteur Glass (1905) - considéré curieusement comme le chef-d’œuvre de Söderberg - l’habile mise en scène de Jean-Pierre Baro exprime dans toute sa dimension psychologique le cheminement « amoureusement » compliqué d’une ex cantatrice évoluant dans les méandres bourgeois et artistiques de la fin du XIXe siècle. Par la forme de ses dialogues à la fois dérangeante et tranquille, Gertrud a ce même petit air de cruauté feutrée que l’on peut déceler dans L’Echange de Claudel ou chez Ingmar Bergman


Gertrud

Face aux attentes de Gertrud, les personnages affichent sans complexe leur naïveté, leur cynisme ou leur regret. Au-delà d’une critique sous-jacente de l’arrivisme à la Tchekhov/Zola, cette oeuvre de Söderberg semble vouloir dénoncer l’univers hypocrite et étriqué de trois hommes archétypes : l’écrivain tourmenté à succès, le jeune bohème pianiste bling-bling, l’avocat qui ambitionne un poste politique. Refusant à la fois une fonction de femme potiche tout en revendiquant la volupté d’un amour total sans compromis, le personnage Gertrud - interprété avec grand talent par la comédienne Cécile Coustillac - représente symboliquement l'aspiration à la  liberté, la fatalité de la  souffrance et  le sentiment de  révolte. Captant l’essence de la solitude de Gertrud, cette adaptation très réussie reflète a cappella et limpidement cet Amour terriblement concret et métaphysique, qui finit par ébranler tous les personnages de la pièce.

durée : 2 h 15

Gertrud, d’après Hjalmar Söderberg
Mise en scène de Jean-Pierre Baro
Avec Jacques Allaire, Cécile Coustillac, Elios Noël, Tonin Palazzotto, Michèle Simonnet

Le Monfort théâtre
106, rue Brancion
Paris 15e
du lundi au samedi à 20 h 30

jusqu’au 13 décembre 2014

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