lundi 18 novembre 2013

Cosmos

© Nicolas Boudier - Cosmos

Construit comme une enquête policière introspective, Cosmos (1964), le roman de Witold Gombrowicz, se profile d’emblée fantasmatique et perturbant. Dans une adaptation théâtrale aussi prenante que stylisée, Joris Mathieu met en scène cette œuvre onirique et farcesque aux accents délirants.

© Nicolas Boudier - Cosmos

 Cosmos est par excellence « la pièce bizarre » du XXe siècle ! Fidèle au mystérieux climat d’une des œuvres phares de l’écrivain polonais, Joris Mathieu propose une forme théâtrale avant-gardiste avec une surprenante utilisation de dispositifs numériques. En une subtile progression, cette forme théâtrale, alliant science-fiction et poésie, emporte le spectateur. Elle le projette dans l’univers - plus que tourmenté - de l’auteur de Transatlantique (1953), variant habilement les effets tels que vidéo, jeu de lumières, sonorités bizarres, grimages et masques outranciers ou encore immense loupe suspendue, grossissant les traits des personnages. Savamment tordue, l’histoire de Cosmos - pour situer Gombrowicz - navigue entre monde phobique kafkaïen et théâtre de l’absurde à la Ionesco : un jeune homme (Witold) [le narrateur] - qui retrouve par hasard un ami (Fuchs) - est hébergé dans un trou perdu.

© Nicolas Boudier - Cosmos

 Là il est confronté à une série de situations et de rencontres étranges : des animaux pendus ; des personnages étranges, comme la servante Catherette, défigurée ; Léon, architecte volubile et tiqueux ; les énigmatiques Léna et Bouboule. Propulsés dans un univers sensoriel et plastique fort, qui fait d’ailleurs songer à des scènes de tableaux, les personnages évoluent, interrogeant constamment la réalité qui les entoure, basculant dans une confusion aussi loufoque que féroce. Certes, l’on se perd un peu dans ce magma textuel de signes aux multiples sous-entendus - sociaux, sexuels, psychanalytiques - pas toujours identifiables. Certains monologues alambiqués paraissent parfois longs, comme ceux de Léon, par ailleurs formidable personnage de cette saga théâtrale délirante. La pièce n’en reste pas moins fascinante par son mode cru de questionnement sur les rapports de l’homme et des formes mentales qu’il secrète ou subit.

© Nicolas Boudier - Cosmos


Ce théâtre d’absurdité et de noirceur, qui flirte avec la cruauté, se révèle persuasif. Witold et les autres personnages de Cosmos paraissent comme une métaphore – certes outrée - de l’individu confronté à ses obsessions intimes. C’est aussi un théâtre de la pure sensation, qui utilise sans complexes toutes les formes visuelles et sonores pour approcher au plus près la réalité fantasmatique de chaque personnage. Cette orientation théâtrale des plus modernes peut sécréter une tension : séduire intellectuellement ou exaspérer. Cosmos s’achève sous la forme d’une promesse : « Un jour, je vous raconterai une autre aventure   extraordinaire ! » Lors d’une des représentations de novembre, un spectateur, en réponse au comédien, s’est même exclamé : « Pas à moi, surtout ! », laissant - dans sa voix - transparaître comme un sentiment de révolte. D’une certaine façon, Cosmos flirte avec un théâtre… de l’emprise !


© Nicolas Boudier - Cosmos


durée
: 1 h 30

Cosmos, d’après le roman éponyme de Witold Gombrowicz
Mise en scène de Joris Mathieu

Le Monfort théâtre
106, rue Brancion
Paris 15e
du mardi au samedi à 20 h 30

du 12 novembre au 7 décembre 2013








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