lundi 2 juillet 2012

Stevie Wonder, confessions d'un enfant de la soul



Fruit d’extraits d’interviews du chanteur Stevie Wonder par Pierre-Jean Critin et de propos recueillis tout au long de sa carrière dans différents médias (livres, journaux, émissions de radio et de télévision), ces Confessions d’un enfant de la soul nous font découvrir un personnage simple et complexe, musicien surdoué internationalement connu, à la fois enraciné et la tête dans les étoiles.
Qui ne connaît pas Stevie Wonder ? Tout le monde a au moins en tête un tube (« Superstition », « Higher », « You are the sunshine of my life ») de l’homme de la Motown. Sa musique, naturelle et sophistiquée, se profile à la fois douce et pulsative sur un tempo gai, parfois mélancolique. Stevie Wonder est sans doute devenu le chanteur de soul music le plus populaire de ces 40 dernières années grâce à cette voix éternellement chaude, dotée de trois octaves et demi. Stevie Wonder, confessions d’un enfant de la soul a le mérite de présenter de façon synthétique le parcours musical de l’homme qui a fait gagner près de 30 millions de dollars à la Tamla. Devenu star à 13 ans, il est surnommé d’emblée Little Stevie, sobriquet qui agacera longtemps le chanteur, né Steveland Morris. Ce nouveau venu, qui bientôt va concurrencer les grandes gueules musicales de la communauté noire urbaine - Marvin Gaye, Isaac Hayes ou Curtis Mayfield - a toujours confié avoir eu une enfance heureuse, malgré un milieu familial défavorisé.


Innervisions, Motown Records, 1973


Aveugle de naissance, il grandit dans la déprimante Detroit où il suit des écoles pour non-voyants. Faisant allusion à cette époque et à ses professeurs, il a cette phrase terrible : Il estimaient certainement que, parce que j’étais aveugle et noir, je ne pourrais jamais m’en sortir (p.23). Mais opiniâtre, et déjà possédé par le démon de la musique, qui devient vite « sa religion », il rejoint rapidement la Motown qu’il qualifie d’une amusante métaphore, le « grand magasin de musique avec plein de jouets ». Là il y croise tout le gratin du célèbre label de soul tenu d’une main de fer par Berry Gordy : Marvin Gaye, Michael Jackson, les Supremes, les Temptations… Outre son chant, Stevie Wonder est un musicien accompli : batteur, claviériste et harmoniciste. Et son évolution musicale, au fil de sa discographie aventureuse, s’avère - sans être révolutionnaire - de plus en plus ambitieuse. Ses influences (mix de funk, jazz, reggae, rock et soul) mêlées à des virtualités harmoniques font de lui probablement le plus musical des chanteurs de soul. En 1971, tout à fait dans le bain expérimental de la période plutôt jazz rock, il propose avec Innervisions une excitante mixture soul-funk avec des synthés très présents et des lignes de basse appuyées. Quant à Songs In The Key Of Life (paru en 1976) il offre, quelque part entre Beatles et Earth, Wind and Fire une intéressante synthèse musicale entre rock et soul. (Dans la discographie critique des albums de Stevie Wonder établie en 2011 par Joachim Bertrand et Christophe Geudin - qui figure en annexe de Stevie Wonder, confessions d’un enfant de la soul - Songs In The Key Of Life s’impose comme « le chef d’œuvre mélodique et spirituel de Stevie Wonder »).
27 janvier 1986 :  Stevie Wonder et Whitney Houston aux 13e American Music Awards au Shrine Auditorium de Los Angeles


18 janvier 2009 : le président Barack Obama et Stevie Wonder dans les coulisses de "We are One", la fête pour l'investiture de Barack Obama

The Secret Life Of Plants (1979), orienté world offre encore d’autres facettes. Wonder y chante en japonais et en bambara. Des sonorités électro, funk et soul se mêlent à celles indiennes et africaines. Egalement, Stevie Wonder s’implique fréquemment dans la vie sociale de son pays et la politique internationale, par exemple sur les discriminations raciales ou les problèmes de drogue à Detroit. A travers les nombreux extraits d’interviews de ces Confessions, le lecteur suit à la fois les évènements marquants de sa vie comme l’accident, qui lui laisse des cicatrices, la naissance de sa fille Aisha, les morts brutales de Martin Luther King et de Marvin Gaye et ceux plus anecdotiques comme les mesquineries des Stones en 1972 à son encontre ou l’histoire cocasse du hit « Superstition », écrite à l’origine pour le guitariste Jeff Beck. La musique de Stevie Wonder frappe avant tout par son aisance et son optimisme. Et l’on devine dans cette figure emblématique de la musique populaire américaine afro-américaine un haut degré de spiritualité. Et c’est sans doute cette aspiration fondamentale à l’universalisme, qui se reflète particulièrement  dans ce climat musical à la fois intimiste et joyeux,  qui a fait de Wonder un des chanteurs contemporains les plus persuasifs. Et cet homme, souvent emporté par sa quête de vérité, a le franc-parler, comme lorsqu'il  fait allusion aux morts d’Amy Winehouse et de Michael Jackson, tout en soulignant le rôle néfaste des médias :


Nous sommes tous, chanteurs, écrivains, journalistes, des communicants. Ceux qui prêchent constamment le négatif et répandent le mensonge, au lieu d’inspirer les gens, les dépriment. Ce qui est arrivé à Michael s’est reproduit avec Amy Winehouse. Voilà quelqu’un de talentueux, mais les médias on répandu tellement de toxicité à son sujet que ça a dû la plonger dans la dépression. Ceux qui ont le pouvoir de communiquer ont également le devoir d’encourager et de montrer l’exemple. Si c’est parler pour parler, autant la fermer. » (p. 136).

Stevie Wonder, confessions d’un enfant de la soul, éditions Consart, 184 pages, 2012

Propos choisis et réunis par Pierre-Jean Critin


Stevie Wonder

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