lundi 5 novembre 2018

Anna Karénine



Sous une forme théâtrale à la fois méditative et très vivante Laetitia Gonzalbes  met en scène Anna Karénine de Tolstoï au Théâtre de la Contrescarpe.


Ecrit en 1877, ce roman,  l’un des plus connus de Tostoï,  concentre sans doute bon nombre d’interrogations cruciales chez les auteurs dramatiques dès la fin du XIXe siècle. Dans Anna Karénine, on évoque ouvertement le poids des conventions sociales, celui du rôle restrictif dévolu aux femmes (même issues de la haute société),  la place de l’argent dans le couple  ou encore la culpabilisation féminine dans ses dimensions amoureuses et éducatives. En cela Anna Karénine a beaucoup de points communs avec d'autres œuvres phares du théâtre européen  comme Une Maison de poupée (1879)  du Norvégien Ibsen,  Gertrud (1906) du Suédois Söderberg ou La Peur (1913) de l'Autrichien Zweig.

© Fabienne Rappeneau
 Anna Karénine - Théâtre de la Contrescarpe

Sans cesse réinventée, selon le style, le talent et la nationalité de chaque auteur, c’est toujours la même histoire : celle d’une femme de bon milieu, écartelée entre un confort bourgeois illusoire et une passion fugitive et dévorante, situation d’autant plus éprouvante pour les personnages féminins qu’ils sont la plupart du temps confrontés au rejet de la société et victime doublement (du mari et de l'amant). Tragique par son dénouement Anna Karénine est l’histoire d’une femme (Anna Karénine) mariée à un haut fonctionnaire de la haute société pétersbourgeoise découvrant l’amour auprès d’un brillant officier (Vronsky). Par le menu le roman  de Tolstoï  nous conte le long pourrissement de ce couple - à la suite de la révélation de l’adultère - et ses continuels atermoiements ainsi que la fuite des amants jusqu’au suicide de son héroïne.

© Fabienne Rappeneau
 Anna Karénine - Théâtre de la Contrescarpe 

A la fois romantique et sombre, la symbolique d'Anna Karénine nous parle de passion amoureuse et d’individus rejetés par la bonne société sous couvert de bonne conscience. Sans en esquiver  la dimension étouffante, la libre adaptation et  mise en scène de  Laetitia Gonzalbes  se caractérise par une grande  fluidité et une liberté au ton original  autour de scènes rythmées et courtes. Les comédiens n’en font jamais ni trop ni pas assez.  Ils sont pleinement présents à la scène, par l’élocution, par la manière de se déplacer, par  l’émotion juste, par l’expressivité affichée de vêtements changeants. Le plateau scénique donne d’ailleurs le ton : une méridienne baroque, quelques cubes en plexiglas, une table et des chaises ; au plafond, des tubes de diodes électroluminescentes.

© Fabienne Rappeneau
 Anna Karénine - Théâtre de la Contrescarpe 

Tout cela oriente le spectateur vers une impression de volupté scandaleuse, de rudesse des temps, de labyrinthique dilemme  amoureux...  Dans cette adaptation Vronsky (l’amant) devient Varinka (l'amante), ce qui - au-delà de l'évidente connotation  homosexuelle - contribue peut être à rendre plus compréhensible le décalage d'origine  entre Anna Karénine et son mari. Quant à l’Homme sans nom, c'est un personnage masqué devisant avec les autres personnages et ne dédaignant pas de se promener dans la salle. Sorte de chef d’orchestre mortuaire, il participe pleinement au climat allégorique de cet excellent spectacle, qui dégage, entre autres, un fort parfum de mystère.


durée : 1 h 30

Anna Karénine, de Léon Tolstoï
Mise en scène : Laetitia Gonzalbes
Avec Lise Laffont, Marussia Henrich, David Olivier Fisher, Samuel Debure

Théâtre de la Contrescarpe
5, rue Bainville
Paris 5e
horaires : dimanche (20 h 30), lundi, mardi (19 h 30)
relâches : 25 décembre et  2018 et 1er janvier 2019

jusqu'au 6 janvier 2019







Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire