Dans Les Marginaux du Moyen Age - ladres, brigands, ribauds, gueux et mendiants Sophie Brouquet explore le statut et l’image populaire des laissés pour compte de la période féodale.
Auteure de nombreux livres consacrés à l’art et à l’histoire du Moyen Age, l’auteure met en exergue dans son nouvel ouvrage toute l’ambivalence des mentalités de cette longue période, citant la phrase décisive de l’historien médiéviste français Jacques Le Goff (1924-2014) : « La société médiévale fut une grande créatrice de marginalité, elle a aussi su mettre en place des processus d’intégration ou de réintégration, des formes de pardon et une constante, celle de la charité chrétienne. »
Sophie Brouquet, Les Marginaux du Moyen Age - ladres, brigands, ribauds, gueux et mendiants, éditions Ouest-France, collection « Histoire », livre broché avec rabats, 128 pages/120 photos, 2018
Un lépreux avec sa crécelle, Barthélemy l'Anglais,
Le Livre des propriétés des choses, XVe siècle.
BnF - Collection Magnard/AKG-images
Agrémenté de nombreuses illustrations d’époque particulièrement expressives [dont Mendiants (1568) de Pierre Brueghel l’Ancien] et s’inscrivant entre histoire des mentalités et sociologie vulgarisatrice du Moyen Age, ce livre à la lecture aisée scrute le regard ambivalent porté durant tout le Moyen Age par l’organisation sociale [Eglise, autorités civiles, pouvoir royal et peuple] sur ses propres exclus : prostituées, délinquants, mendiants, lépreux, vagabonds… Par exemple, on y apprend que les lépreux pâtissaient d’un imaginaire très proche de celui du juif et de l’hérétique. « Le lépreux est perçu comme une menace, liée au diable », nous signale Brouquet, qui rappelle qu’ils furent accusés en 1321 d’une cabale avec les juifs et les musulmans et d’avoir empoisonné les puits dans le royaume de France par les Pastoureaux.
Autre catégorie de marginaux disséquée dans le livre : les prostituées. A leur égard la société médiévale se montre à la fois méfiante et tolérante. Méprisées voire rejetées, elles n’en sont pas moins considérées par les institutions comme utiles à la société. (La prostitution n’est pas pénalisée, contrairement au proxénétisme.) En ce qui concerne « les fous », ils peuvent être internés ou soignés par un médecin. Dans Les Marginaux du Moyen Age, on apprend entre autres que les familles peuvent avoir recours à des pèlerinages thérapeutiques dont certains sont spécialisés dans la folie. Quant aux vagabonds, mendiants et oisifs - comptant soldat démobilisé, déserteur, étudiant en rupture de ban… - ils sont plus cruellement punis.
Soulignant l’hypocrisie et les contradictions latentes de cette société médiévale l’auteure note justement : « Elle [la société médiévale] méprise les mendiants et enferme les lépreux mais elle leur fait la charité pour faire son salut. Baladins, jongleurs et montreurs d’ours sont critiqués et voués à l’enfer par l’Eglise mais leur talent attire les foules. Les étrangers venus d’autres continents effraient tout autant qu’ils fascinent. Les criminels sont sévèrement punis mais leur exécution tire des larmes au bon peuple s’ils savent se montrer courageux face à la mort. » (page 115). Les historiens signalent qu’à partir du XIIIe siècle l’on constate une montée croissante de l’intolérance et de la répression dans cette société médiévale profondément ambivalente.
Sophie Brouquet, Les Marginaux du Moyen Age - ladres, brigands, ribauds, gueux et mendiants, éditions Ouest-France, collection « Histoire », livre broché avec rabats, 128 pages/120 photos, 2018
Très intéressant, merci !
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