Avec Pororoca Pas un jour ne passe le cinéaste roumain Constantin Popescu - Principles of life (2010), Contes de l’âge d’or (2009) - signe un thriller psychologique étrange et glaçant sur fond de deuil d’enfant.
En dialecte Tupi Pororoca signifie « le grand rugissement » ou « ce qui détruit tout sur son passage avec grand fracas ». Enigmatique, le titre du long métrage colle idéalement à cette histoire, dont Popescu a écrit le scénario : celle d’un couple (Cristina et Tudor), confronté à la disparition de leur fille kidnappée (Maria), bouleversant leur vie. Aux abords d'un scénario aussi prévisible et naïf, on pouvait craindre le pire..., à un de ces bons mélos américains didactiques dégoulinant de bons sentiments et d’horreurs bien dégueulasses. Heureusement, il n’en est rien et par une construction assez fascinante et par la qualité de jeu des acteurs le film oriente le spectateur plutôt vers un grand film sensoriel, humain et métaphysique.
Avant même d’ailleurs de glisser dans la pure angoisse - celle des parents - et surtout du père (Tudor) - à la suite de la disparition inexpliquée de leur fille dans le parc - le cinéaste prend tout son temps. Riche en plans larges, la première demi-heure du film nous laisse découvrir le parc sous toutes ses coutures. Popescu semble fasciné par la banalité du quotidien d’un dimanche dans un grand parc ensoleillé comme si celle-ci cachait nécessairement son contraire : un poison caché, dissimulé sous l’apparente innocence des jeux enfantins du parc. Dans le style cinématographique de Pororoca Pas un jour ne passe il y a un côté pictural avec cette façon élégante de filmer en des plans intéressants joggeurs, cyclistes, enfants en skate-board, simples passants, chiens ou simples marchands ambulants. Subtilement, comme dans un effet de lumières et d’ombres Popescu fait alterner tranquillité apparente et menace bien réelle.
Acteur instinctif et talentueux, Bogdan Dumitrache interprète Tudor. (Dumitrache a notamment joué dans Métabolisme et Quand le soir tombe sur Bucarest.) Homme brisé, Tudor sombre progressivement dans la folie et dans la paranoïa. Ni son entourage - son fils et sa femme - ni les conseils raisonnables de la police n’auront de prise sur cet homme coupé du monde par la douleur. Popescu filme son personnage, mordu par le démon de ne pas comprendre ce qui lui est arrivé, rôdant en permanence dans le parc à la recherche du moindre indice, soupçonnant un promeneur spécifique, flairant comme un chien abattu un univers dont il ne comprend déjà plus les aboutissements. Paroxystique et ultraviolente, la fin de Pororoca Pas un jour se révèle étonnante. Cette fresque latente et glaciale est en tout cas un des films roumains les plus aboutis de ces dernières années.
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