lundi 11 juin 2012

Expo Panorama - Gerhard Richter


Actuellement, l’on peut voir au centre Pompidou Panorama, la rétrospective consacrée au peintre allemand Gerhard Richter, né en 1932. C’est l’occasion d’observer les nombreuses toiles (130) -  de 1960 à nos jours - d’un peintre aussi connu au sein du marché de l’art que diversifié dans ses choix picturaux.
En effet Richter, dont les œuvres sont souvent inspirées de reproductions photographiques, nous propose là de grandes toiles abstraites marquées par le geste et la couleur et des tableaux d’inspiration figurative aux thèmes variés comme la nature ou les vanités. Artiste caméléon, réputé dans l’univers de l’art contemporain, les critiques l’envisagent tour à tour comme un hyperréaliste, un simulationniste, un conceptuel, un postmoderne… Son objectif est non pas d’instaurer un ordre esthétique nouveau, mais d’interroger le vocabulaire pictural existant, ses ambigüités et ses limites  (*), lit-on ce mois-ci dans  Beaux-Arts Magazine. Tout cela est fort intéressant mais résulte plutôt d’un débat entre spécialistes et initiés. Au-delà du vocabulaire souvent ésotérique des communicants de l’art, où souvent passion (de l’art) et snobisme se mêlent, l’on peut se demander si Panorama pourra séduire le grand public...  Une question d’autant plus légitime que l’aspect expérimental imprègne fortement la peinture de Richter, et que l’on peut s’interroger en libre penseur sur son « intrinsèque originalité ». En tout cas, l’expo Gerhard Richter a tout pour mettre en appétit le consommateur (exigeant) de biens culturels : figure majeure de la peinture contemporaine,  artiste friand de séries et de genres (portrait, paysage, peinture d’histoire, abstraction gestuelle…), déclaration fracassante gentiment nihiliste de l’intéressé (« Je n’ai rien à dire et je le dis »). D’emblée, Richter nous  intrigue. Hélas, l’intérêt pour la peinture de Richter pourra vite s’effriter au cours du parcours de l’exposition. Les créations de Richter retiennent peu l’attention même si de temps en temps l’on est fortement séduit. Par exemple le triptyque Nuage (1) - ou les  Marines (2) exposées  -  ne laisse guère de souvenir impérissable. 

(1Nuage, Gerhard Richter

(2Mer, Gerhard Richter

(3EmaGerhard Richter

(4AnnonciationGerhard Richter

(5) BougieGerhard Richter

(61025 couleurs, Gerhard Richter


(7) Juin, Gerhard Richter

(8) GlennGerhard Richter

(9) série Aladin, Gerhard Richter

(10) Cage 4Gerhard Richter


Et l’on se sentirait presque gêné de ce sentiment  d’indifférence face à ces tableaux de genre, dont un panneau signalétique nous informe qu ‘« avec ses grandes toiles (nuages, marines, paysages, montagnes), Richter se positionne en tant qu’héritier de la tradition romantique allemande et qu’il nous invite à une expérience spirituelle [rien que ça !]  liée à la contemplation d’une nature grandiose, sublimée, impénétrable. » Puis l’on change complètement d’ambiance, découvrant d’autres facettes de Richter, avec Ema (Nu sur un escalier) [3], un nu nimbé dans le flou, ou l’Annonciation (4), d’après Titien, qui rappelle le goût du peintre allemand pour la tradition picturale classique. Au fil du parcours des salles, l’on passera successivement devant une Bougie (5) de la série des Vanités,   les déprimants  tableaux de la série des Paysages urbains et les toiles politico-anxiogènes de la série consacrée à la Bande à Baader. Face à cette déferlante sombre, les joyeuses 1025 couleurs (6), inspirés par les échantillons de couleurs proposés dans les magasins, offrent un joyeux contraste. Egalement, la rétrospective du centre Pompidou propose un choix important de toiles de Richter (années 80)  d’inspiration abstraite, souvent monumentales. Certaines, d’une grande puissance lyrique avec leurs éclaboussures végétales et  fauves, sont vraiment superbes.  Et les toiles Juin (7) et  Glenn (8 entraîneront le visiteur dans un tourbillon bariolé jaune/vert/bleu/rouge du plus bel effet. Quant à la récente  et très prenante série des Aladin (2010)  [9] , elle offre l’agréable vision d’un délicat onirisme. Pourtant, dans l’ensemble, l’expo Panorama laisse sur une impression mitigée. Que ce soit, par exemple, dans la série des portraits de la famille de Richter ou dans celle de Cage (10), tableaux produits pour la Biennale de Venise en 2007, et inspirés par la découverte du peintre des expérimentations musicales de John Cage, l’on ressent toujours fortement l’empreinte expérimentale de Richter, ce qui suffit pour susciter l’attirance ou l’agacement face à cette vaste entreprise artistique. En tout cas, l’oeuvre de Gerhard Richter -  star du marché et représentant typique de tous les soubresauts de l’art pictural du XXe siècle -, qu’elle fascine ou indiffère, constitue un sujet inépuisable de débat critique.

* Gerhard Richter, peintre multitâche, par Itzhak Goldberg,  Beaux Arts Magazine, juin 2012.

Expo Panorama - Gerhard Richter
Centre Georges Pompidou (galerie 1, niveau 6)
Ouvert tous les jours (11 h-21 h), sauf le mardi
Place Georges-Pompidou
Paris 4e

du 6 juin au 24 septembre 2012


Gerhard Richter

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