L'idée de La Tour de Constance est venue d'une rencontre entre l'auteur et metteur en scène Guillaume Vincent et les acteurs de la 11e promotion du Théâtre national de Bretagne (TNB). Concrétisé en 2021, cet ambitieux projet théâtral entraîne le spectateur dans les coulisses d'un hôtel de luxe : l'hôtel de la Tour. Au Théâtre de l'Athénée Louis-Jouvet (Paris 9e) l'on peut découvrir cet étonnant spectacle au réalisme mordant et... funambulesque ! A travers six jeunes personnages pittoresques Guillaume Vincent s'est attaché exclusivement à décrire le point de vue des employés, reléguant subtilement celui des riches, certains diraient des « nantis » au rôle symbolique de capricieux fantômes d'hôtel de luxe.
Lieu théâtral par excellence, le palace et son passé prestigieux nous est suggéré par un décor minimaliste, comme si l'auteur nous suggérait une certaine injustice fondamentale séparant l'univers des clients et des employés. Dans un registre tendre, social et caustique cette pièce alerte nous oriente vers la problématique et le ressenti des personnages formant au sein du grand hôtel un véritable groupe. En une savoureuse progression narrative, le huis-clos théâtral nous montre ces trentenaires, venant de milieux différents, se cogner durant une année tant face à la situation ambivalente de leur positionnement hiérarchique qu'à l'incertitude de leurs chassés croisés amoureux aux multiples rebondissements.
Par ailleurs, la disparition d'objets - au sein même de l'hôtel - nourrit la rancune de ces personnages, oscillant au sein de leur communauté entre colère et sens de la diplomatie face à ces mystères non élucidés. En outre, l''établissement hôtelier occupe une place symbolique dans le spectacle car jouxtant la Tour de Constance, un endroit historique chargé de souffrance et situé à Aigues-Mortes, ville de petite Camargue au. sud de la France. Pétillante et drôle, la mise en scène n'exclut pas pour autant de forts moments de dramatisation.
Entre comédie réaliste et théâtre de l'absurde, l'histoire de La Tour de Constance entraîne le spectateur à l'intérieur même d'une communauté à la fois soudée et en détestation réciproque. Le dispositif théâtral peut paraître hybride et l'on se perd il est vrai parfois au fil de cette histoire où les déclamations de textes poétiques des XIXe-XXe siècles se mêlent à l'hilarante autoconfession en rap des personnages. Le résultat n'en est pas moins bluffant. L'on sent que les comédiens de la TNB ont complètement intégré leur rôle, donnant ce petit plus d'âme théâtrale, qui fait souvent... toute la différence. L'esprit de Marivaux n'est pas loin par l'idée de travestissement du réel et celle de répétition des situations.
La gestuelle, le regard et l'intonation des personnages ont toute leur place dans cette pièce où chaque personnage tend en permanence à se réinventer fut ce sous sous les insultes, les remarques acerbes ou même les compliments et encouragements des autres. C'est à un remarquable travail choral que nous convie ce spectacle, qui met en exergue trois duos particulièrement en forme avec une multitude de combinaisons de portraits. En privilégiant scéniquement l'aspect burlesque du quotidien et en explorant le profil psychologique de jeunes d'aujourd'hui Guillaume Vincent en profite dans La Tour de Constance pour aborder des thèmes contemporains d'actualité : drame familial, situation professionnelle complexe ou difficulté de la rencontre amoureuse.
durée : 1 h 40
Texte, scénographie & mise en scène : Guillaume Vincent
Interprétation (issus de la promotion 11 de l’Ecole Supérieure d’art dramatique du TNB) : Bonnie Barbier, Julie Borgel, Alison Dechamps, Félicien Fonsino, Dylan Maréchal, Nathan Moreira
La Tour de Constance
Théâtre de l'Athénée Louis-Jouvet
(Salle Christian-Bérard)
2-4 square de l'Opéra Louis-Jouvet Paris 9e
horaires : du mardi au vendredi (20 h 30), le samedi (16 h 30 et 20 h 30)
jusqu'au 5 octobre 2024
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