lundi 9 septembre 2024

Gustave Caillebotte


Grand peintre avant-gardiste, proche des impressionnistes et des réalistes, Gustave Caillebotte (1848-1894) se profile une de ces figures marquantes du XIXe siècle que l'on ne cesse de redécouvrir. A cet artiste multiface, à la fois hardi, secret et d'une modernité troublante l'historienne d'art Sandrine Andrews consacre un livre instructif mettant en exergue l'homme et sa création.Curieusement, Gustave Caillebotte, mort prématurément à 46 ans, est moins connu que ses amis impressionnistes  : Monet, Degas, Renoir, Pissaro, Sisley...

 Gustave Caillebotte, Raboteurs de parquet, 1875
Huile sur toile, 102 x 147 cm
Musée d'Orsay, Paris

Ironie de l'histoire de l'art, et le livre de  Sandrine Andrews aux analyses fines et enrichi de nombreuses illustrations de tableaux nous le rappelle : non seulement Caillebotte participa activement à l'organisation et à la médiatisation des expos impressionnistes mais il fut aussi un généreux mécène achetant les toiles de ses collègues plus démunis.   Grande liberté artistique, aisance, créativité, modernité...

Gustave Caillebotte, Nu sur le divan, 1880
Huile sur toile, 129,5 x 195,6 cm
Minneapolis Institute of Art, Minnesota

En contemplant la peinture de cet artiste singulier ces qualificatifs viennent tout naturellement. Rappelant au passage sa stabilité financière et la richesse de sa famille l'autrice note justement à propos de la pérennité de la démarche artistique de Caillebotte :   « Son aisance lui a permis de demeurer indépendant, de faire des choix picturaux plus radicaux que ses contemporains et de soutenir ses amis en achetant leurs oeuvres.  »

Gustave Caillebotte, Le Pont de l'Europe, 1876
Huile sur toile, 125 x 181 cm
Collection du Petit Palais, Genève

Cette modernité, on la repère par exemple dans l'emblématique toile Raboteurs de parquet (1875) où le peintre nous propose une représentation très personnelle et suggestive (sur un mode presque chorégraphique qui fait songer aux danseuses de Degas !)  de  torses nus d'ouvriers positionnés  sur des lignes de lattes de plancher. Dans un autre tableau intitulé Nu sur le divan (1880), Caillebotte nous propose une autre vision originale de la thématique du corps, rompant avec les codes de la représentation du nu à son époque comme put le faire son contemporain anglais Walter Sickert (1860-1942),  annonçant d'une façon indirecte les audaces picturales postérieures d'un Francis Bacon ou d'un Lucian Freud

Gustave Caillebotte, L'Homme au balcon, vers 1880
Huile sur toile, 116 x 90 cm
Collection particulière

Avec comme réserve que les sujets choisis par  Caillebotte sont imprégnés par une certaine insouciance et  une remarquable santé comme dans ses multiples représentations de baigneurs, de plongeurs et de canotiers. Passionné de régates et de bateaux Caillebotte, comme Maupassant ou le peintre  Albert Marquet (1875-1947) est un amoureux de l'univers fluvial. A propos de cette omniprésence dans la vie et l'oeuvre de Caillebotte Sandrine Andrews écrit : « L'artiste se prête au plaisir de remporter des courses et cherche à perfectionner ses bateaux en dessinant les plans pour les rendre plus rapides et maniables. De 1889 à sa mort en 1894, il n'est plus seulement peintre et horticulteur, il est aussi architecte naval.  » (page 78). 

Gustave Caillebotte, Fruits à l'étalage, vers 1881-1882
Huile sur toile,  76,5 x 100,6 cm
Musée des Beaux-Arts, Boston

Il est aussi un remarquable architecte du paysage, notamment celui de Paris. Dans le célèbre tableau Le Pont de L'Europe, Paris (1876) où Caillebotte se met d'ailleurs en scène  il nous propose une représentation novatrice de la capitale, vue sous de multiples angles. Il représente ses personnages, souvent des proches, dans un Paris plongeant et panoramique ouvert à toutes les saisons comme dans le crépusculaire Rue Halévy, vue du sixième étage (1878) ou le très printanier Un balcon boulevard Haussmann (1880). 

Gustave Caillebotte, Richard Gallo et son chien Dick au Petit Gennevilliers, 1884
Huile sur toile, 89 x 116 cm
Collection particulière

En outre, et de façon réaliste, l'artiste sur plusieurs de ses toiles célèbre outre le travail des ouvriers, celui des artisans et des jardiniers sans les accompagner pour autant (comme Courbet) d'un discours moralisateur, social ou politique. Le Beau Livre Gustave Caillebotte nous propose une synthèse très vivante de tout ce qui fait la diversité du peintre : de ses portraits à ses paysages urbains ou vues sur mer  en passant par les natures mortes ensorcelantes (de fruits, de gâteaux) ou les représentations audacieuses et  novatrices (à la fin de sa vie) de simples natures mortes de fleurs coupées sur des thèmes  de chrysanthèmes ou d'orchidées en serre. 

Gustave Caillebotte, Linge séchant, Petit Gennevilliers, 1892
Huile sur toile, 54 x 65 cm
Collection particulière

Qu'il illustre un type social, qu'il connaît bien, comme celui de la bourgeoisie du commerce et de la finance dans le convivial tableau Partie de bésigue (1880) ou qu'il exprime sa passion des espaces naturels et fluviaux dans l'énigmatique et flottant Linge séchant au bord de la Seine, Petit Gennevilliers (1892)  Caillebotte célèbre à travers ses toiles l'énigme de la vie même.    Au final, le Gustave Caillebotte de Sandrine Andrews nous rappelle que cet artiste singulier outre être un observateur exceptionnel de son époque fut un fabuleux conteur à l'onirisme raffiné ! 

Sandrine Andrews, Gustave Caillebotte, relié, grand format, Art/Beau-Livre, éditions Larousse, 128 pages, 2024


Autoportrait, vers 1892
Huile sur toile, 40 x 32,5 cm
Musée d'Orsay, Paris
















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