Avec Stella, une vie allemande, Kilian Riedhof nous propose un film radical et dérangeant. Inspiré par la véritable histoire de Stella Goldschlag, le réalisateur interroge en particulier le poids de la culpabilité à travers l'évocation des Juifs ayant collaboré avec le régime nazi. Stella Goldschlag (1922-1994) fut une Juive allemande qui collabora à la traque des Juifs cachés à Berlin. Cette activité lui valut d'être surnommée Greifer (le grappin) en Allemagne. Elle porta la responsabilité de la capture de 600 à 3 000 Juifs et fut condamnée après la Seconde Guerre mondiale à 10 ans d'emprisonnement. Le cinéma de Kilian Riedhof est orienté généralement vers des thèmes durs et philosophiques, questionnant à la fois la responsabilité individuelle et le contexte sociétal.
Inspiré des attentats du Bataclan en 2015, son Vous n'aurez pas ma haine (2022) montrait comment l'on pouvait surmonter une tragédie sans sombrer dans la haine et le désespoir. Quant à Sa dernière course (2013), il racontait le pari insensé d'un vieillard ex champion olympique, écartelé entre la santé fragile de sa femme et le scepticisme des pensionnaires et du personnel d'une maison de retraite. Tout en progression narrative, Stella, une vie allemande distille des climats variés où l'atmosphère joviale berlinoise, celle des cafés et des clubs de jazz alterne avec de nombreuses scènes violentes (dispute, tabassage, exécution).
Dans la seconde partie, elle nous est décrite comme un être abject et manipulateur, dénonçant impitoyablement ses anciens amis pour sauver sa vie et celle de ses parents. L'on pourra cependant reprocher au film quelques scènes un peu conventionnelles et certains accents wagnériens inutiles, notamment celles des bombardement sur Berlin. Stella, une vie allemande est un film qui distille, on l'aura compris, un certain malaise dans sa façon de confronter émotionnellement et intellectuellement le spectateur à la fois à la réalité historique et au caractère ambivalent des personnages. L'on signalera aussi la réussite des décors et la touche esthétique du long métrage, notamment dans sa reconstitution du Berlin des années 30-40 à travers ses cafés et ses cabarets. Au final, l'on recommandera ce film peut être pas toujours abouti mais distillant une puissance cinématographique et invitant à une réflexion philosophique ouverte sur le sens de la responsabilité et sur l'Histoire.
Avec Paula Beer, Jannis Niewöhner, Katja Riemann, Damian Hardung, Lukas Miko
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