Dans un portrait au vitriol mais documenté l'universitaire canadien Gilles Vandal - auteur déjà d'un Donald Trump et la déconstruction.de l'Amérique (2018) - dresse un constat amer de cinq ans de trumpisme et s'interroge sur l'héritage douloureux qu'il laisse à l'administration Biden...
D'emblée, dans l'avant-propos de son livre Donald Trump Le fossoyeur de l'Amérique, l'auteur annonce la dimension atypique de l'avant-dernier président américain : « Sa capacité incroyable de vivre au-dessus des normes politiques habituelles et son approche complètement amorale rendent ce personnage fascinant. » Même si au cours des décennies la politique américaine a toujours été riche en coups tordus et en manipulations de tout genre et que bon nombre de ses prédécesseurs (Nixon, les Bush ou Johnson) y ont eu recours, il apparaît clairement que la démagogie, la manipulation et le mensonge ont dépassé toutes les limites au cours du quinquennat Trump. Le polémique ouvrage de Gilles Vandal est d'autant plus crédible et agréable à lire qu'il échappe à la logorrhée d'extrême gauche si fréquente dans bon nombre d'ouvrages de ce genre écrits par d'éminents intellectuels ou de soi disant « spécialistes de la politique ». L'autre intérêt de Donald Trump Le fossoyeur de l'Amérique réside dans son ambition de décortiquer la politique de Trump tout en offrant de nombreux aperçus sur sa personnalité. A propos de cette dernière Vandal rappelle la manie compulsive de Trump de se comparer à Reagan ou à de hautes figures emblématiques du conservatisme américain tout en s'écartant résolument de l'idéal égalitariste et fraternel que pouvait sous-tendre par exemple l'idéal républicain. Vandal nous décrit un Trump plus que clivant dans le quotidien : imprévisible, paranoïaque, menteur, n'hésitant pas à harceler ses proches collaborateurs dont la plupart finiront par s'éloigner de lui. L'opinion publique souvent s'est amusée de la communication politique de Trump, orientée essentiellement vers des tweets foireux. Plus grave Trump aurait orienté de véritables campagnes de désinformation et de fausse déclarations par ces tweets.
L'auteur pointe ainsi de nombreux exemples de cette décadence de la communication présidentielle au cours de son mandat. Rappelons au passage que celle-ci allait de païr avec la montée foudroyante au cours de son mandat de la presse populiste et de médias à sa botte (Fox News et surtout One America News), qui recyclaient plus ou moins - et sans aucune distance critique ! - les théories du complot chères à la nébuleuse de l'extrême droite ou des mouvements sectaires de type QAnon*. Tout cela donc aura favorisé dans les réseaux sociaux l'émergence des théories conspirationnistes. La désinformation à grande échelle sous l'ère Trump n'est d'ailleurs qu'un des thèmes abordés dans le livre. Minutieusement, l'auteur reprend et commente tout ce qui a marqué et fait le sel (s'agissant de ce dernier l'addition est plutôt salée !) de ces cinq années de présidence : le bras commercial avec la Chine, l'accusation de l'ingérence russe dans l'élection présidentielle, le traitement de la pandémie Covid, la position vis-à-vis du nucléaire iranien, la gestion des émeutes raciales ou encore les relations difficiles avec l'Europe. Même si l'administration Trump - et peu de gens le contestent aujourd'hui - a continué le boom économique initié par Obama en 2000 son bilan paraît finalement très négatif. A la lecture de Donald Trump Le fossoyeur de l'Amérique l'on comprend bien que l'auteur reproche à Trump d'avoir profondément divisé le pays et d'avoir instauré un climat généralisé de méfiance - le siège de Washington en est peut être un des symboles les plus éloquents ! Par ailleurs sur le plan international sa politique a eu de violentes répercussions comme l'inquiétant rapprochement commercial entre la Chine et la Russie. Vandal note justement à ce propos : « Dans sa réaction à l'égard de la Chine Trump s'est montré plus fort dans la rhétorique véhémente que par des actions concrètes.» Avec ses slogans simplistes (First America) et ses messages irréalistes invitant à la nostalgie des années 50 Trump a en fait amoindri la puissance américaine et sa crédibilité partout dans le monde. Erratiques ont été sa politique arbitraire de tarifs punitifs des produits d'Europe, ses éloges répétés de Poutine (qui déteste cordialement l'Occident !), sa réduction drastique des budgets de programmes sociaux, son retrait de l'accord de Paris sur le changement climatique. A u cours de son mandat les relations entre l'Amérique et l'Europe mais aussi le Canada et une bonne partie de l'Asie se sont dégradées. Dans sa conclusion l'auteur laisse ce commentaire amer :
Très narcissique [Trump] sa méthode de gouvernance était à la fois simple, amorale et toxique. Se basant sur la théorie du chaos, il a misé sur les pires instincts de la culture américaine. Comme une sorte de génie malfaisant, il a laissé dans son sillon une traînée de destructions aléatoires, suscitant conflits et fragmentations. Faisant régulièrement montre d'une d'une ignorance invraisemblable, il s'est montré inopportun sans hésiter à intimider tout un chacun. Par son influence acquise sur le Parti républicain, l'envoûtement de ses partisans; son exploitation ahurissante des médias sociaux et sa construction d'un monde alternatif bâti sur la désinformation, il a mis la démocratie à rude épreuve (page 224)
*QAnon est une théorie et une mouvance conspirationniste d'extrême droite venue des Etats-Unis regroupant les promoteurs de théories du complot selon lesquelles une guerre secrète a lieu entre Donald Trump et des élites implantées dans le gouvernement (l'Etat profond ou Deep State), les milieux financiers et les médias, qui commettraient des crimes pédophiles, cannibales et sataniques.
Gilles Vandal, Donald Trump Le fossoyeur de l'Amérique, essai, broché, éditions Mardaga, 256 pages, 2021
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