lundi 31 octobre 2016

Les beaux jours d’Aranjuez




Juste un an après Every thing will be fine, Wim Wenders nous revient avec Les beaux jours d’Aranjuez, ambitieux film littéraire et psychologique imprégné de poésie.

Adapté d’une pièce de théâtre de Peter Handke et coécrit par l’auteur lui-même, Les beaux jours d’Aranjuez est un long métrage qui peut paraître flottant et introspectif mais au charme certain et à la séduction tonique. C’est une sorte d’OVNI cinématographique quelque part entre Eric Rohmer et Manoel de Oliveira. Déjà Wenders - il y a près de 30 ans - avait travaillé avec le dramaturge autrichien pour son chef-d’œuvre Les Ailes du désir. Là Handke a écrit son texte en français. Et Les beaux jours d’Aranjuez rassemble de nombreux thèmes d’approche des univers des deux hommes : l’absence, le temps qui passe ; la lumière, l’ombre ; l’amour, la guerre des sexes.

Les beaux jours d’Aranjuez

D’emblée, la séduction du film ne se profile pas par une intrigue particulièrement recherchée mais plutôt par le seul jeu de la beauté de l’image et par un fort climat à la fois moderne et proustien. Dans la tiédeur de l’été, un homme et une femme conversent tranquillement dans un jardin luxuriant avec vue sur les tours de La Défense. Riches en confidences et en souvenirs, les bavardages de couple - dont l’on ignore les liens véritables - se déroulent à l’ombre d’une vaste demeure un peu désuète et encombrée de livres. Penché sur sa machine à écrire, un écrivain pensif (le double d’Handke/Wenders ?) y récite des bribes de cet intemporel « dialogue d’été ». L’échange verbal du couple aux relents mélancoliques de roman épistolaire laisse néanmoins percer de la tendresse et un certain humour. Très convaincants par leur jeu inventif et naturel, Reda Kateb et Sophie Semin remettent au goût du jour l’art délicat du bien-parler propre au XVIIIe siècle galant tout en incarnant des personnages suffisamment réalistes et à l’écoute de leurs désirs - et de leurs peurs - pour ne pas figer leur propos philosophique.

Les beaux jours d’Aranjuez

(Avec un grand style des cinéastes comme Rohmer - dans Le rayon vert (1983) - ou Vecchiali - dans Nuits blanches sur la jetée (2015) - semblent orientés par de similaires ambitions stylistiques !). Egalement, l’on signalera la subtile utilisation de la 3D, qui amplifie les aspects sensitifs du film porté par une image que l’on pourrait qualifier de sobre et captive. Ainsi, l’univers romantique du texte de Handke passera par le bruissement des feuillages, par d’énigmatiques déambulations de l’écrivain, par les nappes pianistiques de Nick Cave ou le timbre chaud de Lou Reed. Porté par la beauté fluide de la nature et par un message fraternel et panthéiste, Wenders signe là une œuvre intense et poétique des plus étranges.

durée : 1 h 35

Les beaux jours d’Aranjuez, un film de Wim Wenders, Allemagne, France, 2016

Avec Reda Kateb (L’Homme), Sophie Semin (La Femme), Jens Harzer (L’Ecrivain), Nick Cave (Le Pianiste)

Les beaux jours d’Aranjuez


[…] Mon souhait, et mon idée, est qu’on puisse avoir l’impression que ce n’est pas un seul jour qui s’écoule, mais beaucoup ; un « temps d’été » indéterminé […] 

Wim Wenders (2016) 



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