© Julia Beauquesne
L'Ile des Esclaves - Théâtre du Nord-Ouest
Les valets auront trois ans pour transformer leurs patrons et faire de ces orgueilleux injustes et brutaux des êtres humains raisonnables et généreux ! Dans L'Ile des esclaves les puissants deviennent donc des gueux et les valets des maîtres. Dans une intéressante mise en scène Bernard Lefebvre et Hélène Robin ont privilégié une certaine sobriété baignant dans un climat drôle et propice à la réflexion philosophique Ni décor ni effets visuels ! Par la façon de se déplacer sur le plateau, par la gestuelle, par la mimique les excellents comédiens explorent cette curieuse inversion des rôles (qui est au coeur de l'histoire), nous suggérant par les incessants changements de costumes de leurs personnages la profonde crise d'identité qu'ils traversent à travers leurs nouveaux rôles sociaux ou leurs approches amoureuses. Les comédiens honorent de la plus belle façon ce malicieux texte de Marivaux, qui n'est pas simplement une réflexion sur les rapports sociaux (dans le sens politique) mai aussi un questionnement sur le thème de la confusion des sentiments, autre caractéristique de ce que l'on a appelé « le marivaudage » et qui à valu à son auteur sa célébrité mondiale.
© Julia Beauquesne
L'Ile des Esclaves - Théâtre du Nord-Ouest
Sans dévoiler la fin de ce texte datant de 1725, écrit seulement deux ans après La Double Inconstance, il s'inscrit pleinement comme une « utopie sociale », pouvant rappeler par l'esprit celle de l'humaniste anglais Thomas More (1478-1535). Egalement les thèmes de L'ile des Esclaves (l'intolérance, l'égalité, le pouvoir, la justice) rejoignent par de nombreux points ceux abordés par Voltaire ou Swift dans Candide et Les Voyages de Gulliver, qui déjà bien avant La Ferme des animaux d'Orwells interrogeaient savoureusement la capacité de l'humain à accepter un véritable changement. Au-delà de la moderne thématique de la résilience, L'ile des Esclaves explore celles du pardon. Au final c'est un spectacle à ne pas manquer, pour la performance des comédiens et pour son climat particulier, à la fois ingénu et féroce !
durée : 1 h
L'Ile des Esclaves, de Marivaux
Mise en scène : Bernard Lefebvre et Hélène Robin
Avec en alternance : Yassine Amani, Alexandre Durand, Marc Grèzes-Rueff, Phillippe Hazza, Adrien Lecoin, Bernard Lefebvre, Jean Marzouk, Marion Rif, Hélène Robin, Marwann Selmi, Clémence Thoison
Costumes : Frédéric Morel
Théâtre du Nord-Ouest
13, rue du Faubourg Montmartre
Paris 9e
jusqu'au 18 octobre 2025
extrait :
Cléanthis : « Voilà de nos gens qui nous méprisent dans le monde, qui font les fiers, qui nous maltraitent, et qui nous regardent comme des vers de terre ; et puis, qui sont trop heureux dans l'occasion de nous trouver cent fois plus honnêtes gens qu'eux. Fi ! que cela est vilain, de n'avoir eu pour mérite que de l'or, de l'argent et des dignités ! C'était bien la peine de faire tant les glorieux ! Où en seriez-vous aujourd'hui, si nous n'avions point d'autre mérite que cela pour vous ? »
Cléanthis : « Voilà de nos gens qui nous méprisent dans le monde, qui font les fiers, qui nous maltraitent, et qui nous regardent comme des vers de terre ; et puis, qui sont trop heureux dans l'occasion de nous trouver cent fois plus honnêtes gens qu'eux. Fi ! que cela est vilain, de n'avoir eu pour mérite que de l'or, de l'argent et des dignités ! C'était bien la peine de faire tant les glorieux ! Où en seriez-vous aujourd'hui, si nous n'avions point d'autre mérite que cela pour vous ? »
© Julia Beauquesne
L'Ile des Esclaves - Théâtre du Nord-Ouest
A lire :
Le Jeu de l’amour et du hasard, de Marivaux
La Double Inconstance, de Marivaux
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