lundi 24 juillet 2023

Augustin Rouart entre père et fils



Dans un ouvrage richement illustré intitulé Augustin Rouart entre père et fils l'écrivain Jean-Marie Rouart interroge les liens énigmatiques entre peinture et littérature. Né dans une famille de peintres, l'académicien, aujourd'hui âgé de 80 ans, se penche entre révolte et nostalgie sur ce passé étrange, nous rappelant sa vision du monde, vive et colorée. Déjà Jean-Marie Rouart avait évoqué la figure de son père, le peintre Augustin Rouart, dans Une jeunesse à l'ombre de la lumière (2000), ainsi que dans le livre d'art qu'il avait consacré à sa famille, liée aux grands peintres du XIXe siècle, Une famille dans l'impressionnisme (2001). 

Augustin Rouart, Enfant à l'ourson, 1946, collection particulière
Francesca Mantovani © Editions Gallimard

Dans ce nouveau livre, Jean-Marie Rouart revient sur cette relation spéciale à son père. En effet, dès son plus jeune âge il fut choisi comme modèle favori et les nombreuses reproductions du livre nous montrent comment ce peintre, qui n'obtint jamais une pleine reconnaissance de son art, captait picturalement son fils. Dans son livre Jean-Marie Rouart semble encore intrigué par ce choix. Il écrit : « Ce tortionnaire qui braquait sur moi une lampe de poche, sans égard pour mon sommeil, c'était un peintre, et de plus c'était mon père. Pourquoi m'avait-il choisi entre mon frère aîné et ma soeur cadette pour lui servir de modèle ? J'ignore d'où lui était venue cette prédilection. Quelle mystérieuse attirance le portait à me dessiner sans fin, à multiplier les esquisses, les croquis, les portraits dont j'étais le sujet » (page 9). 

Augustin Rouart, lettre à Jean-Marie, 1947, collection particulière
Francesca Mantovani © Editions Gallimard

A la lecture de ces confidences et de ces portraits subtilement concis et expressifs l'on perçoit une certaine fierté mais aussi la gêne du fils d'être ainsi « chosifié ». L'on  sent aussi derrière la pompe dynastique de ce nom prestigieux de peintres et collectionneurs d’œuvres impressionnistes la gêne matérielle d'un père, par ailleurs décrit dans ce livre comme bougon et dépressif, ne montrant ses oeuvres que dans d'obscures et minuscules galeries. Ironie du sort et injustice de cette situation : ce néoimpressionniste était un peintre brillant, qui excellait à la fois dans la composition du portrait mais aussi du paysage et de la nature morte.

Augustin Rouart, Garçon au foulard rouge, 1945, collection particulière
Francesca Mantovani © Editions Gallimard

Pour le définir l'historien d'art Bruno Foucart avait eu cette jolie formule : « C'est un moderne des années trente qui aspire à la réconciliation du classicisme et de la modernité ». Sa première période fait songer aux Nabis, notamment à Valloton. Plus tardivement, il a réalisé des œuvres fort différentes, notamment des paysages qui rappellent certains néoréalistes américains comme Fairfield Porter. A la fois tendre et acide, caustique et admiratif le regard que porte Jean-Marie Rouart sur son père est doublement intéressant, marqué par l'ambivalence des sentiments et par la violence psychologique que fait peser sur « les héritiers » les  représentations  liées aux univers de la haute bourgeoisie et   de l'art, parfois trompeuses. 

Augustin Rouart, Le petit pêcheur, 1943, Paris, Petit Palais - Musée des Beaux-Arts de la ville de Paris
Francesca Mantovani © Editions 

Par petites touches successives,  dans un Portrait vibrant, à la fois descriptif, passionné et sans concessions, l'auteur observe l'enfant, l'adolescent, l'adulte qu'il a été ;   dans son parcours  de journaliste et de romancier renommé il médite sur la place de l'art, et paradoxalement sur   « la place  » qui a été dévolue à son père comme artiste. Du petit appartement familial parisien à Montparnasse à la maison de l'île de Noirmoutier où il fut adopté quelques années par un couple de marins, l'on suit cet attachant et insolite parcours de vie dans lequel à hue et a dia cohabitent  peinture et littérature.

Jean-Marie Rouart, Augustin Rouart entre père et fils, Beau Livre, éditions Gallimard, relié plein papier, 112 pages, nombre d'illustrations : 95 environ, 2023


















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