Avec Solo Artemio Benki (disparu en 2020) propose un documentaire à la fois étrange et profond sur le parcours de vie d'un pianiste argentin, retrouvant sa liberté après un séjour à l'hôpital psychiatrique.
Pianiste renommé, ayant eu à son actif 300 représentations, Martin Perino passa quatre années dans un établissement psychiatrique argentin. A la suite d'une dépression, il fut diagnostiqué schizophrène paranoïaque. En décembre 2014, le réalisateur Artemio Benki le rencontra pour la première fois et eut l'idée originale de filmer son parcours. Solo est le fruit de cette rencontre insolite et amicale. Et sans doute la grande force de ce film intimiste, nourri de confidences et de dialogues, est de nous suggérer sans impudeur et par petites touches les fêlures et les fragilités qui ont conduit Martin Perino au grand craquement intérieur. Sans voyeurisme Artemio Benki nous propose là un véritable voyage/enquête à travers la subjectivité d'un individu. Les raisons précises qui ont conduit Martin Perino à être interné ne nous sont jamais clairement énoncées au cours du documentaire. L'essentiel semble être ailleurs. En fait, l'enfermement de Perino pose - dans toute son acuité - le problème de la place de l'artiste dans le monde.
Ses confidences - qu'il distille chichement au réalisateur, du moins au début, nous suggèrent que sa vie de pianiste célèbre a été plombée dès l'origine par les problèmes d'ego et une quête éperdue de reconnaissance familiale, qui vicieusement se serait prolongée dans l'espace de la reconnaissance sociale. L'on perçoit au cours de ce tournage qui a duré 3 ans un réel climat réciproque de confiance entre Perino et Benki. (Dans une note d'intention du documentaire ce dernier avait d'ailleurs signalé qu'il avait lui-même connu un parcours psychiatrique lors de son enfance et de son adolescence.) Avec beaucoup de naturel Perino joue son propre rôle.
Personnage jovial et philosophe, son attitude offre un intéressant contraste avec l'environnement pesant de l'établissement psychiatrique, abritant des patients plus gravement atteints. Egalement, Benki ne se contente pas de filmer les rencontres de Perino avec l'environnement médical et les autres pensionnaires. Il nous montre l'Argentin sortir progressivement de son cocon empoisonné. Il nous le fait découvrir revenu à la vie civile, cherchant inlassablement un établissement pour jouer du piano. A la fois cruelle et heureuse cette quête éperdue de la création, cette recherche d'un absolu artistique semble bien être le fil conducteur du film Solo. Subtilement et avec un certain sens esthétique le réalisateur nous propose avec Solo un long métrage à la fois humaniste, incisif et touchant !
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